Colloque international interdisciplinaire
Du 10 au 12 mars 2016
à l’Université catholique de Lille
« L’écriture à l’épreuve de la déportation »
L’écriture est fondamentalement une mise en forme de la vie. Si l’enfant passe par la forme des lettres pour inscrire les mots qui formeront ensuite des phrases, un texte, puis un récit, les civilisations se caractérisent aussi par la mise au point d’un système graphique qui leur permettra d’inscrire ce qui se vit dans l’histoire, ce qui se fera pendant plusieurs millénaires par le travail de la main. L’écriture devient ainsi la trace de ce qui se vit, de ce qui s’est vécu.
Dans le contexte des camps de concentration, l’écriture prend une toute autre dimension car elle n’indique plus la construction de l’humanité mais sa destruction. Elle commence par être la devise du camp, « A chacun son dû » pour Buchenwald, « Le travail rend libre, pour Auschwitz et Dachau. Pourquoi fallait-il une devise à ces camps, les temples de la dégradation à l’image du temple de Delphes, dans l’antiquité grecque, portant la devise « connais-toi toi-même », qui était, lui, celui de l’élévation. Pourquoi une étiquette ? Les slogans seront nombreux et sont les piliers de l’idéologie nazie : « Les Juifs sont notre malheur », lit-on sur des banderoles entourant un meeting antisémite le 15 Août 1935. Ces étiquettes, ces slogans vont se graver dans les esprits pour motiver la haine de l’autre et justifier sa destruction. Ils deviennent une référence.
Cette référence, on la retrouve aussi dans le serment que prête un Eichmann dépossédé de lui-même et livré corps et âme à l’injonction de crime de nombre avant qu’il ne soit reconnu « crime contre l’humanité », un Eichmann qui n’avait même lu ce qu’écrivit Hitler dans mein Kamf pour annoncer son programme. En regard de ce serment conduisant chacun à devenir criminel, on trouve le serment courageux des déportés rassemblés une dernière fois sur la place d’appel, lors de la libération des camps. Chacun s’engage alors à lutter pour « l’écrasement définitif du nazisme ».
L’écriture se retrouve ensuite dans le matricule attribué ou gravé dans la peau, comme cela se fit à Auschwitz. L’Homme, réduit au rang de bétail, est tatoué et doté d’un numéro qui le marquera toute sa vie et marquera la vie de ses descendants en quête perpétuelle de ce qui a été perdu sous le sceau de la déshumanisation. Certains déportés décideront même de faire inscrire ce matricule sur leur carte d’identité, comme s’il était à vie entré dans leur existence.
L’écriture est aussi l’écriture des lois qui ont permis de justifier au niveau de l’état la mise en place de la destruction massive de millions d’hommes, de femmes et d’enfants. L’écriture juridique se retrouve ensuite, en miroir dans les procès des grands criminels contre l’humanité : il faut reconstruire les faits, essayer de comprendre les mécanismes, et annoncer la sentence qui va rayer à jamais le nom du bourreau du royaume de l’existence.
Il importe aussi de considérer l’Ecriture, la foi, la croyance en une transcendance, quelques soient les religions, pratiques spirituelles ou fraternelles, un récit par lequel l’esprit peut se déplacer dans un univers différent, inspiré et trouver comme un menu soulagement du corps ou la force de résister. Nous souhaitons interroger ici le rôle de l’Ecriture dans ce contexte d’une souffrance extrême du camp de concentration.
Terminons à présent ce panorama, sans qu’il puisse toutefois se clore, par l’écriture des journaux intimes, des fragments, des poèmes, des récits de vie. Certains seront écrits pendant la déportation et gardés comme témoignages, d’autres ne pourront s’écrire que très longtemps après alors que s’écrira l’Histoire. On constatera à quel point l’écrit se différencie de l’oral. Les réponses aux questionnaires que nous avons pu rassembler les années précédents sont d’une nature très différente de celle des témoignages oraux que l’on a pu recueillir.
Des historiens, philosophes, sociologues, anthropologues, théologiens, chercheurs en littérature, psychologues, de France et de Navarre, d’Europe et d’Outre continent apporteront leur concours à la réflexion pour nous permettre de nous représenter cette question essentielle de l’écriture dans le contexte de la déportation.
Renseignements : cathy.leblanc2@wanadoo.fr ou au 06.82.54.95.07 – Le programme sera disponible sur le blog suivant : www.cathyleblanc.fr
Inscriptions : 20 euros / gratuite pour étudiants et moins de 25 ans
Conseil : il est préférable de réserver le plus tôt possible.