Bien que la philosophie, dès ses origines, s’applique à elle-même les leçons de la vie, nous ne nous trouvons pas du tout dans le même domaine que dans les sciences occultes. Le penseur de l’origine essaie de comprendre le monde dans lequel il vit et d’élaborer des récits probables correspondant à la réalité perçue de ce monde.
Même si, dès ses débuts, la philosophie n’est pas tout à fait affranchie de certaines pratiques religieuses, elle ne pratique pas les formules d’incantation. Ces formules sont le fait d’une croyance en un rapport de cause à effet : c’est parce que je vais dire des formules magiques, que, par exemple, les états du ciel me seront bénéfiques. Si je suis paysan, les dieux pourront m’écouter et faire pleuvoir.
Dans un ouvrage intitulé Penser la Bible, Paul Ricoeur spécifie que même la prière n’a pas pour objectif d’accorder un état du monde aux souhaits formulés par le croyant.
Les sciences occultes, qui peuvent être associées à une forme religieuse très particulière, n’ont pas, comme leur nom l’indique, pour vocation d’éclairer leur adepte. Elles s’appuient souvent sur des rituels par lesquels on croit que le monde va se transformer selon le vœu que l’on prononce.
Je ne suis pas spécialiste de la branche de l’anthropologie qui réfléchit sur les sciences occultes, mais ce que je peux vous répondre c’est que j’ai eu l’occasion d’aller à un congrès à La Nouvelle Orléans et que mon hôtel se situait dans le quartier français où il y avait toutes sortes de petites boutiques vendant des objets pour pratiquer le vaudou. Par curiosité, je suis entrée dans l’une de ces boutiques en en ressortant très vite tellement j’ai été horrifiée de constater à quel point la haine peut habiter le cœur des hommes. Dans cette boutique, il y avait des poupées, avec des jeux d’épingles que l’on enfonce dans le corps de la poupée que l’on identifie à une personne que l’on souhaite voir souffrir. Il y avait aussi des poupées de femmes enceintes. Le processus est le même : on utilise des aiguilles pour leur souhaiter malchance et souffrance. Il y avait beaucoup d’autres choses. Pour aller plus loin dans la haine et le souhait de haine, on pouvait aussi payer des « spécialistes » capables de jouer à votre place de ces petites aiguilles.
Voilà un monde très sombre et foncièrement à l’opposé de la réflexion philosophique qui vise pour celui qui la pratique à toujours mieux comprendre le monde dans lequel il se trouve et à manifester toujours mieux la bienveillance résultant de la réflexion. Cette pratique de la philosophie ne peut qu’être bénéfique et elle est sans risque pour celui qui s’y adonne. Au contraire des sciences occultes, je dirai qu’elle apporte beaucoup de bonheur et de force d’âme, une joie profonde et indéfectible. Cette joie est peut-être le résultat du sentiment de liberté et de hauteur que provoque la réflexion (cf. Pierre Hadot, N'oublie pas de vivre : Goethe ou la pratique des exercices spirituels). Il serait intéressant d'y réfléchir. La culture de la haine, quant à elle emprisonne la personne et l'empêche de jouir de la richesse du monde. La pratique des sciences occultes n’est pas non plus sans risque, surtout quand on consulte, pour de l’argent des personnes peu recommandables et spécialistes de la haine.
Il est surprenant que ces pratiques ancestrales, issues de croyances ancestrales puissent perdurer dans notre société. Elles montrent que nous avons encore bien du travail pour éduquer les esprits et surtout pour empêcher la barbarie.
J'espère à travers cette petite réflexion vous avoir montré la différence fondamentale qui sépare la philosophie des sciences occultes. Je terminerai en disant que la personne qui se livre à de sombres pratiques ne fera pas changer le monde par la magie. Si une chose peut changer toutefois, c'est elle-même parce qu'elle cultive de mauvaises pensées. Quant à l'argent dépensé dans de telles choses il ne fera pas fructifier la joie et pourra entraîner des ennuis. Par contre, je pense foncièrement que l'argent que l'on peut verser à des associations humanitaires ou aux personnes en difficulté peut lui non seulement répondre à un besoin vital mais aussi, par voie de conséquence nous procurer le plaisir d'avoir pu aider. C'est précieux, il me semble, surtout dans une société où la pauvreté ne cesse de croître et c'est une autre façon de transformer le monde tout en s'octroyant à soi-même la joie que suscitent en chacun la générosité et le partage.
"Cultive ton jardin" disait Voltaire. Le jardin, c'était l'école d'Epicure, au même titre que l'Académie était celle de Platon et le Lycée, celle d'Aristote.
Je reste à votre disposition pour toute question.
Cathy Leblanc