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19 novembre 2011 6 19 /11 /novembre /2011 10:03

Trouver sa voie

Chers amis,

Je reprends l’écriture de mon blog et vous propose d’y trouver de nouveaux types d’articles au gré des questions qui me sont posées dans mes cours ou dans mes lieux de recherche, mais aussi à travers ma famille où je rencontre beaucoup de jeunes gens qui se cherchent et que je souhaiterais aider un peu.

Le monde que nous vivons n’est pas un monde très engageant. Chaque jour on nous martèle qu’il y a la crise, la crise et encore la crise, de quoi déstabiliser toute espérance. S’il y a une chose que j’ai apprise aux Etats-Unis, et même si je ne suis pas enthousiaste pour tous les aspects que revêt ce pays, c’est que la valorisation et le rêve sont des valeurs-clés. Je le pense fermement et c’est aussi de cette façon que je motive mes étudiants : la valorisation et le rêve.

Il y a quelques années, lors d’une rentrée, lorsqu’on remplit les fiches, au lieu de simplement leur demander leur objectif professionnel, j’avais demandé aux étudiants de dire leur rêve professionnel, ce qui créa une stupeur générale. Avaient-ils le droit de rêver, c’est en tout cas ce qu’ils m’ont demandé. Je leur ai répondu, selon une formule célèbre, que rien ne peut se produire de véritable quand il n’y a pas de rêve. C’est le rêve, l’émerveillement, l’admiration, l’attirance profonde qui peuvent seuls porter de grands destins. Je les ai donc encouragé à rêver et à se projet dans leur rêve. Je les ai revu depuis et certains m’ont remercié de leur avoir parlé comme cela, c’est-à dire aussi de les avoir placé devant eux-mêmes. On ne peut pas se mentir à soi-même et l’on doit incarner, véritablement incarner la responsabilité que l’on a de se porter soi-même dans son destin.

Rêver ne veut pas dire s’engager aveuglément, c’est bien plutôt se mettre au diapason du monde, c’est se trouver une place harmonieuse dans le monde. Alors, avant toute chose il convient de s’examiner soi-même pour se projeter dans une telle harmonie : « Qu’est-ce qui me fait rêver ? » « Qu’est-ce qui fera plus tard ma fierté ? » « Quelles sont les capacités que je souhaite multiplier ? ». On peut aussi se demander comment on peut à partir de soi-même épater ses amis. Cette question n’est pas vaine : être capable de créer l’admiration, c’est être capable de se dépasser et cette question peut nous informer sur la manière dont nous nous projetons dans la vie.

Ah, oui, j’ai oublié de vous dire –et je parle ici pour ces lycéens qui sont aussi lecteurs du blog- que quand on entre dans la vie active, il y a ceci de merveilleux qu’elle continue à nous former. Aussi ne cessons-nous de nous former tout au long de la vie dans et par le travail que nous avons choisi. Chaque jour contient ses propres surprises et vient nous cueillir dans l’émerveillement.

Ce qui m’émerveille en tant que « prof. », c’est le progrès de mes étudiants, c’est leur envie d’apprendre, c’est leurs questions, leur intérêt pour les matières que j’enseigne : je suis philosophe mais aussi professeur de civilisation britannique, donc angliciste. J’éprouve toujours un immense plaisir à travers mon métier.

Alors, aux questions des lycéens qui se demandent quel métier faire plus tard, je répondrai qu’il ne faut pas essayer de trouver le métier qui intéresse mais formuler la question différemment : « Quel monde veux-je habiter à travers mon métier ? » « Par quoi suis-je émerveillé ? ».

Considérons donc plusieurs domaines :

  • Le monde de la philosophie apporte des questions à résoudre, comme des problèmes d’arithmétique. Il expose des mécanismes insoupçonnés et il est fascinant de découvrir ces arcanes du sens. C’est une exploration merveilleuse.
  • Le monde de la politique offre lui aussi à comprendre des mécanismes mais ce ne sont pas les mêmes. On se pose alors la question de savoir ce qui régit au mieux la vie des citoyens dans cette grande cité qu’est devenu l’espace mondialisé. Comment se situer ? Comment interférer ? Comment agir pour le bien commun ? Ces questions peuvent être des questions qui motivent toute une vie.
  • Le monde de l’économie est lui aussi un monde qui repose sur des mécanismes et jamais l’on ne s’écarte de l’humain. Les questions qui motivent de grands économistes comme Amartya Sen pour qui j’avoue avoir une admiration sans borne (et ses écrits sont très clairs et faciles à lire) tant il réfléchit sur la justice et l’éthique sociale, sont les suivantes : comment penser la donne de façon la plus juste ? Comment penser la répartition des richesses et leur flux de manière à ce que l’humain s’en trouve grandit ? Là aussi l’économie permet de s’engager de façon éthique dans son destin et ce peut être un merveilleux destin.
  • Le monde du commerce –et j’ai eu beaucoup d’étudiants en HEC- touche de près cet engagement éthique et permet également d’apprendre beaucoup des différentes cultures. On enseigne maintenant l’interculturalité dans les grandes écoles de commerce et si la mondialisation est porteuse de problèmes à regretter, elle est aussi porteuse d’une promesse : celle de l’échange interculturel qui fait que l’on découvre le monde de l’autre, ses valeurs, ce qui le régit, ce qui ordonne sa vie individuelle et collective.
  • L’univers du vivant, la biologie, la médecine ou les sciences médiales sont encore un engagement auprès d’autrui et un grand service rendu à la société. L’effet d’un remède sur un patient, la réparation d’autrui, l’inquiétude qui vient solliciter et elle-même requérir savoir pour appliquer un traitement, cela aussi est fascinant, tout aussi fascinant que de constater les progrès d’un élève. Dans la médecine comme dans les autres métiers, on a la possibilité de transformer une donnée insatisfaisante en un résultat meilleur. On en sort avec une grande fatigue mais aussi un sens éthique démultiplié.

Alors, à la question de savoir « Que vais-je faire plus tard », je répondrai à l’élève : « projette-toi dans ces différents mondes, essaie d’en écrire le fonctionnement et regarde ce qui te fascine le plus sans jamais plus cesser de le tenir en vue. Alors tu ne cesseras plus de vivre dans le dépassement de toi-même et tu trouveras toutes les ressources nécessaires pour pourvoir à ce dépassement et un jour tu t’apercevras que c’est ce monde-là lui-même qui te portes. Ce jour-là est une véritable fête, un immense bonheur ! Et cette tension vers soi-même, ce mouvement, cette énergie permet de surmonter à tout moment les difficultés que posent aussi le monde humain, et ce dans tous les domaines, qu’ils soient économique, commercial, médical, pédagogique ou politique…

 

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  • : Blog de Cathy Leblanc, professeur en philosophie à l'Institut catholique de Lille. Thèmes de recherche : la barbarie et la déshumanisation, la phénoménologie heideggerienne. Contact : cathy.leblanc2@wanadoo.fr Pas d'utilisation de la partie commentaires pour avis publicitaire svp.
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