Des événements banalement quotidiens (mais structuralement quotidiens) m’amènent à réfléchir sur les modalités de l’excuse. Nous avons récemment grâce au linguiste qui intervenait dans la table ronde du colloque sur le pardon, montré que l’excuse pouvait être formulée à partir de mots, de gestes, de modalités bien différentes les unes des autres. L’excuse n’a pas non plus besoin d’être d’une évidence manifeste, elle ne requiert pas nécessairement « le mot » dit « mot d’excuse ». Un signe peut tout aussi bien valoir pour l’excuse. Il faut donc se représenter l’excuse dans la gamme de ses équivalences. Oui, mais alors, l’équivalence fait-elle sens au même titre que l’excuse. Dire « Excusez-moi s’il vous plaît » vaut-il « Merci de votre compréhension » ou encore « je me suis emporté(e), j’étais fatigué(e) » ou « je suis allé€ trop loin » ? On peut aussi se demander si ces formes équivalentes ne finissent pas par revêtir davantage de sens que l’excuse elle-même.
La position que nous défendrons est celle selon laquelle les médiations ou voies détournées sont, au final, toujours plus marquantes dans la mesure où elles respectent davantage la liberté de l’interlocuteur. Elles ont aussi l’avantage de proposer une explication rationnelle au fait regretté. Dire « je me suis emporté(e) », c’est reconnaître la raison exacte pour laquelle on a pu peiner autrui alors que dire « Je vous prie de m’excuser », c’est solliciter l’effacement de la dette encourue par l’excès. D’une certaine façon, on est plus exigeant vis-à-vis de l’interlocuteur quand on lui demande de nous excuser que lorsque l’on décrit le fait regretté. Dans cette dernière attitude, la dette est absente. On n’est pas sur le même niveau que celui de l’excuse à cet égard. On fait bien plutôt appel à l’empathie et à la compréhension qu’à une décision ou un accord en vue de l’effacement de la dette.
Sur le plan éthique, je pense qu’il vaut mieux proposer à l’interlocuteur d’entrer dans une relation empathique plutôt que de lui imposer la décision ou non de l’effacement de la dette, ce qui le place dans un rapport d’autorité en lui alléguant la place de choix alors que le conflit émerge souvent de rapports d’autorité.
Dans ce cas, et puisqu’il y a lutte, même symbolique, la valorisation d’une position occupée par l’altérité, la reconnaissance du bienfondé de cette position et quand bien même on n'y adhère pas, pourra même valoir l’excuse et exclut le rapport d’autorité puisque la valorisation permet au locuteur d’asseoir sa position. On est sur un plan d’également ou hors-autorité.
Voilà, après le « pardon », quelques pistes que je souhaite livrer en vue d’un débat d’idées.
Je vous remercie et vous dis : "A demain !"
CL.