On avait tout imaginé : une campagne électorale sous la ceinture, des révélations fallacieuses, des digressions intempestives, des sorties de route pseudo-stakhanovistes, une démagogie hypertrophiée, etc. etc. mais on était en fait très loin de la vérité quand ce qui constitue désormais le réflexe rotulien de l’argumentation politique repose sur l’invitation des bovins, du cochon, et autres gallinacées, au programme de la décision.
Doit-on parler de post-humanisme, y voir le brandissement d’un bouddhisme condescendant, craindre là les premiers signes de l’empathie psongiforme bovine dont les symptômes résideraient en rien moins que l’amour animal (encore dénommé « amour bête ») : voilà la véritable question qui sera décisive pour l’avenir de notre communauté ou « comment aimer mieux nos bêtes et les manger » ?
Pour répondre à cette question, il faut commencer par se représenter ce que peut être le monde du bovin et sa représentation du monde, sa Weltanschauung, dirait sans doute Mme Merkel. La manière dont le bœuf voit le monde vient donc aider à penser l’avenir de notre beau pays, c’est dire si les soubassements de la pensée politique aujourd’hui ont évolué, cela en devient même difficile à suivre !
Considérons-donc l’influence de l’ontologie animale dans la pensée politique française. Notons au passage que jamais on ne s’est demandé si le loup dans un conte célèbre avait digéré la grand-mère sans difficulté et là, Mme Merkel devrait sans doute prendre quelques précautions si elle ne veut pas finir comme la grand-mère. Mais qui serait le petit chaperon rouge ? Le débat reste au vert.
Plus sérieusement, on ne manquera pas de s’interroger sur ce thème de l’abattage, symbole qu’il ne faut peut-être pas prendre à la légère quand celui-ci devient un thème majeur d’un débat politique essentiel. Le thème de la boucherie n’est d’ailleurs pas nouveau : on se souvient d’un personnage politique qui parlait de « clou de boucher », il y a quelques années.
Les habitants de France semblent pourtant bien rares à se demander comment et dans quelles conditions nos chers animaux sont abattus quand ils mangent des produits globalisés signés McDonald, quand ils fréquentent les restaurants marocains ou chinois, quand ils achètent du pâté en boîte ou quand ils avalent des tonnes de foie gras. Il reste quand même que ce débat animal aura pu diviser les communautés qui sont elles attachées à tel ou tel mode d’abattage.
Et si nous voulions reprendre les fondements d’une culture judéo-chrétienne, ne pourrait-on pas rappeler cette formule destinée à unir plutôt qu’à diviser : « tout le monde est invité à la table du seigneur ». Ne doit-on pas rappeler aussi que le jour de l’Aïd, il est de mise de partager le repas. Nous pourrions ainsi explorer les fondements fraternels des religions, fondements qu’il est urgent de cultiver quand la pauvreté s’installe dans un pays dit développé (A.O.C.), qu’elle fait des morts qui eux n’entrent jamais dans le débat politique, abattus qu’ils ont été, par des méthodes d’abattage bien plus contestables que celles utilisées pour les animaux.