L’année 2011 se termine avec une actualité préoccupante, une pauvreté croissante et des systèmes qui semblent engloutir ce que les systèmes présents possèdent encore d’humain. Il faudrait réfléchir sur l’autoritarisme des systèmes quand la gradation d’une autorité efface cette précieuse singularité dont Jean-Luc Nancy fait l’éloge et qui nous rappelle que nous ne sommes toujours identiques qu’à nous-mêmes quand bien même un dictateur (noter que le terme est rare au féminin, sic !) nous plongerait dans un tel pathos que nous le pleurerions en nombre à sa mort. Mais de nous demander si ces larmes là sont encore les larmes de la liberté ou si c’est encore, selon l’expression employée par Caroline Carlson dans son magnifique ouvrage sur l’éloquence des larmes, l’âme qui a le bonheur de pouvoir pleurer. Ce niveau d’atteinte de la personnalité reste très préoccupant et mérite qu’on le questionne et qu’on revisite la liberté à l’aune de cette atteinte là.
Nous avons eu le plaisir au mois de mars de réfléchir sur le pardon et il semble que ce thème ait suscité beaucoup de questions, et que nous n’ayons pas non plus répondu à toutes les questions, naturellement. Aussi l’Université Catholique de Lille, organise-t-elle une session de réflexion en janvier sur les limites du pardon avec en vue, une attention toute particulière accordée à la mémoire et à la reconnaissance de la souffrance quand la souffrance vécue ne saurait être effacée. Les anciens déportés pourront s’en réjouir quand ils ont souvent, mais pas toujours, réagi de façon très nette face à la question du pardon. Il sera question, los de cette session de la notion de blessure.
Je voudrais encore dire que j’ai été particulièrement touchée par le travail qui se fait à Weimar et par lequel on dénonce la barbarie mais qu’une question m’a particulièrement interpellée. Lors de la table ronde qui eut lieu en novembre, des germanophones ont posé une question essentielle et à laquelle il était vraiment délicat de répondre : les déportés sont-ils devenus sensibles à la langue allemande ? Il ne faut pas négliger le pathos du peuple allemand aujourd’hui et le sentiment de culpabilité que porte la troisième génération. Il est donc très urgent de resserrer les liens, c'est-à-dire d'avoir un programme davantage orienté vers l'apprentissage de l'allemand, soutenant davantage les Goethe Instituts, notamment mais pas seulement, et de travailler ensemble car cette culpabilité là est également une blessure.
Citephilo a pu conduire à une compréhension d’enjeux importants et ce grâce à la traduction magnifique d’Agnès Triebel qui était venue avec Floréal Barrier, ancien déporté de Buchenwald. (cf. archives sonores de citephilo). On aura également apprécié l’entretien avec Emmanuel Jaffelin venu parlé de… la gentillesse ! Le concept semble être dissonant avec l’actualité, c’est-à-dire s’il est essentiel. Parler de la gentillesse sur fond de guerre économique semble tellement dérisoire !
Voilà donc, ici et là, quelques unes des sollicitations qui nous ont été adressées et auxquelles nous avons pris soin de répondre. Alors, me sera-t-il permis d’espérer que 2012 soit une année propice au tissage de la paix, au travail en commun, une année où les solidarités sauront être efficaces.
C’est dans cet esprit, très fidèles lecteurs et chers amis, que je vous adresse mes meilleurs vœux,
Bien à vous,
Cathy Leblanc.