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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 12:18

Depuis quelque temps, chacun aura remarqué que le mot « république » est re-devenu à la mode et il nous incombe de réfléchir sinon sur son contenu, tout au moins sur sa fonction. Nous parcourrons donc quelques exemples pour essayer d’en comprendre non pas le sens mais l’usage.

On invoque donc la République au nom du principe de liberté quand on veut protéger les dessinateurs de caricatures qui ont heurté des règles du Coran, règles concernant une pratique religieuse donc, en représentant Mahomet dans une feuille de choux. Mais on invoque encore la République quand on veut interdire un chroniqueur de faire la caricature des personnages politiques du moment et qui participe du fonctionnement de la dite République. Dans ce cas on ne parle plus de principe de liberté mais d’outrage à certaines pratiques politiques. Comment s’y retrouver ?

On invoque la République pour défendre le principe de laïcité dans les écoles, on appelle encore ce principe « principe de la République ». Il a pour fonction d’éviter l’intrusion des entités religieuses dans les sphères dites publiques. Mais on invoque pourtant le principe de solidarité républicaine quand on lance des appels aux dons que des associations comme le secours catholique ou la croix rouge vont centraliser pour apporter leur aide. Notons que la Sorbonne a bien gardé son nom : l’université crée par Robert de Sorbon, théologien de Cambrai et confesseur du roi Saint Louis. Comment s’y retrouver ?

On invoque la République pour interdire certaines tenues en ville, notamment une tenue religieuse portant le nom de burqua (on n’a pas encore interdit les pères noël en décembre) et on a récemment trouvé à formuler les raisons de ce principe : en République tout le monde doit pouvoir s’identifier. Au nom du principe de garantie des libertés, on est également privé du droit de sourire sur les photos d’identité ou encore de porter une frange qui couvre le visage sur ces mêmes photos. L’obligation de tirer la tranche s’inscrit dans la protection de nos libertés, comprenons-le bien. Sourire peut désormais être délictuel. Le sourire ne ferait donc pas partie de l'identité.

Ce matin la radio annonçait encore que la République allait rétablir ses droits dans les banlieues. Elle n’y serait plus présente. On comprend que la République signifie ici une certaine idée de l’ordre. Là où la criminalité sévit, la République n’est pas présente. Pourtant la République ne saurait pas se réduire à l’ordre public. Et chacun, chacune en France, soit-il français ou non, n’adhère pas à cette vision du pays dans lequel il ou elle vit. Une communauté de pensée s’institue donc pour créer un code qui fasse acte autour du mot « république ». Quant à l’expression « République des Lettres », elle est elle, tombée en désuétude.

Ma question est la suivante : n’est-on pas en train d’utiliser ce terme « République » dans un esprit nationaliste, exclusif ou excluant, et qui rassemblerait l’opposition à l’altérité ? L’usage qui se fait aujourd’hui, tout azimut, du mot « République » n’est-il pas en train de nous attirer dans une forme d’ultra-nationalisme et d’intolérance ? Y-a-t-il encore partage, charité et goût de la différence au cœur de cette « République » ?

En effet, pourquoi n’utilise-t-on pas simplement le mot « constitution française » quand on veut indiquer une violation ? Pourquoi n’utilise-t-on pas l’expression « ordre public » pour dénoncer les excès ? Le mot « république » se gonfle d’une vacuité bien dangereuse à être ainsi mis à toutes les sauces.

Cathy Leblanc

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commentaires

L
<br /> En réponse à un commentaire qui me fut adressé récemment, j'apporte quelques précisions quant à la notion de "République" que j'emploie ici. Je ne doute pas de la générosité et du progrès qui ont<br /> été en oeuvre lors de l'institution de la Vème République et qui est régi par la constitution de 1958. L'objet de la critique que je formule tient plus de l'usage que l'on fait aujourd'hui de ce<br /> terme dans n'importe quelle situation que de l'idée forte qu'il représente indubitablement. Je suis surprise de voir le mot "République" apparaître dans les discours politiques contemporains et<br /> dans la manière dont les uns et les autres, tous partis confondus, sont soutenus par des électeurs qui, à leur tour, utilisent ce terme sans savoir ce qu'il recouvre réellement. On parlait il y a<br /> encore quelques année de "la France", du "pays". On parlait des lois en vigueur en France etc. Avec l'usage mal maîtrisé du mot "République", il semble que la rhétorique prenne un pli tout à fait<br /> différent. Au nom de la République, terme nouveau dans le contexte de la parole publique, et donc doté d'une puissance énonciative plus importante, on peut tout faire et tout invoquer. Voilà, le<br /> risque que je souhaitais souligner.<br /> <br /> <br />
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