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21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 18:13

Voilà que nous nous avançons encore un peu dans la crise et que se révèlent les points épineux.

Tout d’abord, la manière de contenir l’épidémie… chacun est confiné chez lui, seul ou en famille, ce qui ne va pas de soi, et qui plus est en France où l’une des caractéristiques du comportement est de toujours tenter de détourner la loi ou l’obligation. C’est comme ça. C’est une tendance, peut-être une habitude née de l’esprit des Lumières. En effet, l’esprit de contradiction seul permet un jugement juste. Si l’on n’a pas essayé de trouver l’os dans un raisonnement, on n’a pas mis ce raisonnement à l’épreuve et sa validité n’est que relative. Mais cela est devenu une habitude dans les coins et recoins des comportements des gens qui vivent en France. A quoi reconnaît-on un Français à un feu de circulation ? Eh bien, il traverse s’il est rouge mais qu’il n’y a pas de voiture. L’Allemand attend que le feu soit vert. C’est encore vrai dans le Bade Wurtemberg, cela change en Rhénanie, mimétisme oblige. Suivre sans questionner est « ridicule ». On ne peut porter là-dessus aucun jugement moral car on n’est pas dans le bien ou dans le mal.

Cela dit, ceci ne serait pas si grave si ceci était accompagné d’une vie réglée pour des personnes qui ont réussi à acquérir une forme d’autorité sur eux-mêmes. Je n’irai pas jusqu’à la posture kantienne, qui veut que la liberté soit l’autonomie de la volonté, et même si j’y trouve beaucoup de justesse. Il reste que lorsqu’elles n’ont pas d’obligation ou de cadres, beaucoup de personnes sont tout simplement perdues. Leurs références disparaissent. Et la responsabilité ayant d’une certaine façon déserté la famille au profit d’une autre forme de vivre-ensemble, comment régler une vie de famille lorsque chacun est présent en même temps que les autres au sein du foyer ?

Les enfants s’agitent, ne tiennent pas en place. Les plus grands s’ennuient, même s’ils disposent de moyens numériques. Les parents essaient de se supporter dans une forme d’ennui et d’inquiétude. Les médias répètent le terme devenu clé de notre existence actuelle : « Covid-19 ». Verra-t-on un jour naître des petits Covid ? Qui sait ?

Mais qu’est-ce donc qui permet de tenir dans ces circonstances ? Il existe depuis l’Antiquité un grand questionnement sur la maîtrise de soi. Les valeurs cardinales, que l’on retrouve chez Platon mais qui apparaissent bien avant, chez les tragiques grecs, notamment, portent précisément sur cette capacité que peut développer tout un chacun de maîtriser ses actions mais aussi ses pensées.

Parmi les valeurs cardinales, celle qui me paraît la plus actuelle pour « tenir » en tant de crise me semble être la tempérance. Or, je disais dans le texte sur les temps de crise que j’ai publié le 15 mars « situation de crise, dépassement d’un modèle impossible », que nous sommes justement devenus dépendants de la grande consommation, que nous avons été formatés de cette façon par cette tendance qu’a prise notre société de produire toujours plus, espérant trouver toujours plus d’acheteurs, voire d’adeptes. Il suffit de regarder la pratique du crédit et le succès des sociétés de regroupement de crédit pour s’en convaincre. Or que manque-t-il ou qu’a-t-il manqué dans tout ceci, si ce n’est la tempérance ?  

Notre société est en effet devenue foncièrement intempérante. Les enfants le sont souvent parce que nous avons choisi d’abandonner un pouvoir autoritaire à leur égard. La démission de beaucoup de parents est en cause mais là non plus nous ne pouvons pas effectuer de jugement moral car la société toute entière a adopté une posture nouvelle vis-à-vis de l’enfance. Cela dit, tout le monde n’est pas en mesure d’exercer une responsabilité non autoritaire. Il faut pour cela de la confiance et une certaine forme d’intelligence. (Je n’ai pas dit un niveau d’intelligence).

J’ai pu faire dernièrement une conférence sur la Déportation pour des jeunes gens de 3ème et j’ai été très surprise de constater à quel point ils avaient du mal à se maîtriser, révoltée de voir des profs déprimés, et une situation vraiment difficile. Je me dis aujourd’hui que pour ces jeunes sans contrôle d’eux-mêmes, cela doit être extrêmement difficile de respecter les consignes de confinement et qu’ils doivent en être très malheureux comme aussi leurs parents.

Mais peut-être la nécessité de vie familiale apportera-t-elle des réponses inespérées en rapprochant ces parents de leurs enfants, en obligeant les uns à cohabiter avec les autres.

Vivre les uns avec les autres n’est pas si simple et le mouvement aujourd’hui permet tellement d’éviter les difficultés. Mais cette fois il faudra faire face et peut-être qu’à l’issue de ces mois de confinement qui nous attendent, nous verrons émerger d’autres comportements.

 

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  • : Blog de Cathy Leblanc, professeur en philosophie à l'Institut catholique de Lille. Thèmes de recherche : la barbarie et la déshumanisation, la phénoménologie heideggerienne. Contact : cathy.leblanc2@wanadoo.fr Pas d'utilisation de la partie commentaires pour avis publicitaire svp.
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