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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 09:27

L’annonce de la réduction de vingt milliards de livres des dépenses de l’Etat ne concourt certainement pas à apaiser la révolte sociale qui s’élève aujourd’hui en Angleterre. Dans une Europe ultra-libérale qui fonctionne à partir de la donne économique, qui n’est donc plus l’Europe sociale dont chacun avait pu rêver lors du traité de Maastricht et qui mettait en avant les échanges désormais possibles entre universitaires ou les échanges culturels de tous ordres. L’Europe allait permettre d’accroître la donne sociale, humaine et culturelle. Cette belle illusion a cédé la place à une pensée du calcul où l’humain entre dans la calculatrice pour être réduit à ce qui fera la satisfaction ou non de l’opération.

En nommant l’Etat et les dépenses de l’Etat, la BBC n’a certainement pas conscience de l’impact discursif et humain que produit son message. Une pensée des catégories s’est installée : d’une part il y a le peuple en grogne ou en révolte, plongé dans l’incertitude d’un avenir laborieux ou non, dans l’incertitude d’envisager ou non sa retraite, l’avenir des enfants, dans l’incertitude donc, non plus seulement d’un bonheur possible, mais d’une survie possible. Dans le grand moteur de la calculatrice tout devient possible sans que ces possibilités ne soient systématiquement des opportunités : tout et son contraire donc. D’autre part, il y a l’Etat vu à l’aune de la personnification et l’on pense d’abord, quand on entend « dépenses de l’Etat », aux  dépenses de la présidence, de la chancellerie ou du ministère selon les formes que prennent les régimes politiques européens. Ils, c’est-à-dire non pas « nous », le peuple, mais « ils » : ceux qui sont « au sommet » de l’Etat et que l’on assimile à l’Etat quand on entend « dépenses de l’Etat ». Ce sont « eux » qui dépensent ce que « nous » payons et cela devient insupportable quand ce que « nous » payons ne « nous » assure plus le bien communautaire.

Le clivage est consommé : il y a les payeurs d’une part et ceux qui dépensent, gâchent ou volent, d’autre part. Tout caricatural cela puisse-t-il sembler, c’est ainsi que cela est vécu dans la représentation collective et c’est ce sentiment insupportable d’être d’une certaine façon « volé » qui génère la violence qui désormais semble s’installer comme seule forme de discussion et de participation possible. L’unité de mesure à l’œuvre appliquée par les « payeurs » est la même que celle du quotidien, de la gestion ménagère familiale : faire attention, ne pas vivre au dessus de ses moyens, ne pas jeter l’argent par les fenêtres, etc.

Dans le jeu catégorial de la personnification, l’Etat devient celui qui ne sait pas gérer la bourse de la grande famille populaire et la personnification de l’Etat induit une représentation des dépenses considérées  comme dépenses privées, d’où le sentiment de vol. L’écart social affiché entre Madame ou Monsieur l’Etat et le petit peuple alimente la désapprobation et la révolte. C’est pour son propre compte que Madame ou Monsieur l’Etat dépense « notre » argent, l’argent qui doit normalement servir à la garantie d’un bien-être communautaire, argent qui doit être re-distribué donc, ce dont le peuple en révolte n’a désormais plus le sentiment.

Que devient le « nous » populaire et communautaire sinon une participation obligée au chiffre ? Ainsi le chiffre devient-il l’indicateur de l’humain : réduit ou en croissance. Il faut avoir peur ou se réjouir. Et l’annonce de la BBC ce matin, d’une réduction pour le budget 2012, de vingt milliards de livres des dépenses de l’Etat signifie une réduction de ce qui « nous » constitue essentiellement, annonce donc, d’une mise à mort symbolique.

Si la grande machine européenne ne donne plus de signe de vie de son ancrage social, l’Europe, il le semble bien, court à sa perte et les dégâts seront importants. Si les gouvernants assimilés aux gouvernements n’affichent pas une modestie de mise dans leur train de vie, alors, la violence n’a pas lieu de cesser puisqu’elle est alimentée par le sentiment d’injustice produit par le décalage entre ce qui est « donné » (payé et acheté) et ce qui est vendu (redistribué). Si l’humain ne refait pas surface dans le discours politique, alors, l’humain saura réclamer ses droits comme il a commencé de le faire lors des multiples émeutes qui se sont désormais inscrites dans l’histoire européenne. Rappelons encore, pour mémoire, que l’homme ne saurait s’assimiler à du numéraire ou être réduit à du numéraire faute de se sentir concerné, faute de se sentir impliqué et représenté, faute donc, d'exister.

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21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 22:21

Le moment que Monsieur Strausskahn a passé ou n’a pas passé dans la chambre d’un hôtel de New York avec une employée est désormais devenue une « affaire ». On parle très vite dans les médias de l’Affaire Strausskahn pour ne plus employer que ses initiales DSK. Tout le monde sait dès lors de quoi il est parlé et le code est posé ferme sur le sol linguistique. On parle alors de l’affaire DSK, de ce que risque DSK, de l’avenir de DSK, de la peine encourue par DSK, de la libération de DSK. On parlera plus tard de « la femme de chambre », la dénommant par sa fonction, précisant qu’elle est mère-célibataire, que son frère est son ami, etc. etc.

Les journaux d’Outre-Atlantique se déchaînent et les journalistes américains et anglo-saxons ne comprennent pas pourquoi des voix en France soutiennent Monsieur Dominique Strauss-Kahn par delà l’acte qu’il a commis ou n’a pas commis.

J’assistais au mois d’octobre 2010 aux Rendez-vous de l’histoire à Blois et le thème était précisément « Faire justice ». On se demandait alors autour d’une table ronde réunissant diverses personnalités dont des déportés de la seconde Guerre Mondiale, si l’on pouvait dire que l’on ait fait justice des camps nazis et si l’injustice pouvait ainsi se clore. Il me semble aujourd’hui, que ce « faire justice » s’invite au programme du déferlement médiatique qui sourd de cette affaire. En effet, si l’on ne peut que déplorer qu’une jeune femme de chambre ait été molestée, ou abusée et il faut le déplorer si cela s’est vraiment produit car c’est une existence à jamais brisée, on ne peut pas et on ne le fait pas en France, se réjouir du traitement que l’on fait de Monsieur Strauss Kahn. Il est assez saisissant que cette affaire ait même volé la vedette à une autre affaire qui elle aussi convoque un faire justice un peu discutable : l’affaire Ben Laden. Et l’on ne peut que constater que le sentiment du faire justice est radicalement différent en France et dans les institutions françaises et Outre-Atlantique.

Je reviens de ce pays que je trouve très intéressant et qui est aussi porteur d’une grande richesse culturelle et intellectuelle. Mais quand je suis arrivée, on fêtait littéralement sinon la mort du moins l’assassinat (s’agit-il d’autre chose tout légitime cela soit-il ?) de Ben Laden. J’avoue que j’étais un peu surprise que l’on puisse organiser des banquets ou des « parties » autour de l’assassinat de quelqu’un, cela soit-il l’ennemi public numéro 1.

A ce jour, le Time Magazine parle des mœurs des français qui acceptent tout à fait disons, la drague, le flirt non voulu ou la promotion canapé. Je pense profondément que les auteurs de ces articles n’ont pas compris que la Justice en France représentait un incontournable et qu’il n’est pas possible de faire justice soi-même. Je pense aussi que le déferlement médiatique et toutes les informations privées qui sont données et exposées sur la place publique relativement à l’adresse de Monsieur Strausskahn et de sa famille constituent la base d’une lapidation publique. Le peuple peut mettre symboliquement à mort une personne, et la rumeur, l’accusation, les attroupements massifs, le déferlement ne constitue rien d’autre qu’une lapidation sur la place publique. Il s’agit d’un faire justice publique pour quelqu’un dont on estime qu’il doit éprouver le mépris que le peuple a pour lui. Alors non, la France interdit de se faire justice soi-même et l’on n’a pas l’impression en France qu’il faille se réjouir de cet acharnement ou y prendre part. Seul le procès pourra faire justice. Seul le juge pourra faire justice mais notre culture ne nous permet pas de nous réjouir ou de prendre part au lynchage. A word to the wise !

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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 09:40

Au moment où avait lieu le colloque dont nous avons maintenant beaucoup parlé (mais dont le thème est loin d’être épuisé) et qui recevait le soutien de la Mairie de Lille, se tenait à la Mairie un événement qui vient redire tout l’engagement de notre région et de sa capitale dans la lutte contre l’exclusion, contre l’enfreinte de la dignité humaine. En effet, ce vendredi 11 mars, Stéphane Hessel recevait la médaille d’or de la ville de Lille. Ainsi la Voix du Nord consacre-t-elle ce vendredi 11 mars, à la fois une page à l’invitation de Stéphane Hessel en Mairie de Lille et un article bien placé pour le colloque sur le « pardon à l’épreuve de la déportation. »

Que cela signifie-t-il ? Quel sens donner à cette conjonction sinon que les médias comprennent l’urgence de l’engagement et de la lutte contre la xénophobie et toute forme de dégradation humaine.

Qu’est-ce qui est essentiel dans cette lutte ? Stéphane Hessel a fait resurgir un concept-clé : celui de l’indignation. L’indignation désigne notre capacité à réagir face au mal commis sur autrui. L’indignation est une force vive qui permet de ne pas laisser s’installer des pratiques injustes engendrant d’injustes souffrances pour des hommes, des femmes et des enfants en difficulté. L’indignation permet de trouver en soi la force de dire « NON » : « Non, nous ne voulons pas cela et nous ne pouvons pas laisser faire cela. »

Aussi, pour faire référence à des articles plus anciens où je dénonçais l’indifférence vis-à-vis de la pauvreté qui s’installe aujourd’hui très confortablement en France (pardon de ce cynisme), pouvons-nous dire à présent que c’est justement l’indignation et la capacité de se mettre en colère qui permettent de refuser la misère sociale et morale dans laquelle se trouve aujourd’hui plongée toute une partie de la population et cela n’est pas une fatalité.

Nous sommes les enfants et les petits enfants de ceux qui ont vécu le deuxième conflit mondial et ont à travers ce conflit fait l’expérience de la plus ignoble des barbaries qui ait jamais été organisée par l’être humain envers lui-même. Nous avons donc le devoir d’écouter la parole de ceux qui ont ainsi souffert et qui ont été également les témoins de cette violation hors-du commun. Que nous dit cette souffrance ? Cela est essentiel.

Nous avons en nous des trésors d’humanité qu’il convient de cultiver. Je pense par exemple à notre sensibilité. Pour s’indigner il faut savoir se laisser émouvoir et ne pas détourner le regard de ceux qui à même le sol, ne pouvant descendre plus bas, sollicitent quelque chose de nous. Un cri, une demande, l’objet fictif bien qu’indispensable étant l’argent. Mais au-delà de cet objet fictif, on peut entendre ce qui nous est demandé : un effort pour ne pas laisser les choses en cet état.

La grande question est donc : comment faire ? Par l’engagement que l’on met en place et que l’on manifeste, on agit déjà. Donner l’exemple n’est pas une vaine expression. L’exemple s’inscrit dans le champ de ce que tout un chacun peut suivre. Aujourd’hui, il y a souvent confusion entre celui ou celle qui entre dans le champ de l’exemple et celui ou celle qui représente un(e) « people ». Je pense que le contre-pied de l’indignation est l’admiration et qu’il ne saurait y avoir d’indignation sans admiration. J’admire la force morale de Monsieur Hessel et je l’admire d’autant plus qu’il la porte du haut de ses 93 ans ! Je pense que nous avons en sa personne un exemple admirable qui peut nourrir notre esprit et notre âme et ceux des jeunes générations. Je pense aussi que nous avons besoin aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales d’un peu plus de prestance et de grandeur et qu’il est de notre devoir d’adultes et d’enseignants de montrer à ces jeunes générations ceux qu’elles peuvent admirer ou le type de personnalité qu’elles peuvent admirer. Non que je souhaite les détourner de leurs idoles mais je pense que les jeunes esprits ont besoin de ré-apprendre l’admiration ou ce type d’admiration là.

Les grandes forces morales –elles sont pourtant nombreuses- de nos sociétés ont besoin d’être entendues et écoutées. L’écoute s’apprend. L’attention s’apprend. Tout cela ne va pas de soi alors que pourtant nous portons cela en nous de façon potentielle et ce grâce à notre sensibilité, notre capacité de sentir de ce qui est bien, ce qui est bon pour tous.

Un débat s’ouvre ainsi sur la morale et son lien avec la sensibilité. Dans le questionnaire lancé auprès des déportés pour le colloque sur le pardon, je leur avais demandé s’ils avaient pu garder intacte leur sensibilité. Les réponses furent extraordinaires. Préservons donc nos sensibilités, notre capacité de ne pas être indifférents, notre capacité aussi de reconnaître.

Je suivrai sur ce point l’admirable ouvrage de Paul Ricoeur. Il fut aussi son dernier ouvrage : Le parcours de la Reconnaissance, publié chez Stock en 2004. Je conseille vivement à chacun la lecture cet ouvrage. Pourquoi donc Paul Ricœur ressentit-il le besoin d’écrire sur la reconnaissance ? D’un point de vue purement épistémologique, l’auteur explique qu’il n’existait pas à ce jour de « théorie de la reconnaissance digne de ce nom. Or cette lacune étonnante fait contraste avec la relative cohérence qui permet au mot lui-même de figurer dans un dictionnaire comme une unité lexicale unique en dépit de la multiplicité de ses acceptions. » Sur le plan social, cette étude arrive à point nommé. En effet pourquoi s’indigne-t-on ou doit-on s’indigner sinon parce que la reconnaissance fondamentale du statut d’égalité n’est pas rendue possible par une conjonction de décisions, ou par l’absence de décisions qui rendrait cependant cette reconnaissance possible ?

En cela la réception de Monsieur Hessel, le vendredi 11 mars, à la Mairie de Lille constitue-t-elle la reconnaissance du bienfondé de son cri : « indignez-vous ». Le soutien de la Mairie de Lille au colloque que j’organisais en tant que membre du conseil d’administration de l’Association Buchenwald-Dora et Kommandos et en tant qu’enseignant-chercheur de l’Université de Lille dite « Université Catholique de Lille » qui renferme aussi le « Centre Culturel Vauban » et qui travaille aussi avec l’ « Université Charles-de-Gaulle-Lille 3 » (sise à Villeneuve d’Ascq, pour le pôle sciences humaines) sur des thématiques communes, constitue la reconnaissance du bienfondé de ce travail. Je me réjouis donc de la vigilance ainsi permise pour faire s’exprimer dans la cité, ce qu’il y a de plus humain en nous : notre volonté de respect des dignités humaines. Je me réjouis de la possibilité d’un travail commun pour développer ce respect.

Cathy Leblanc.

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 12:41

 

                La question de l’universalité se pose aujourd’hui alors que le débat politique se concentre sur la notion de catégorie. Il convient d’explorer à nouveaux frais le terme « universel » de manière à montrer qu’il existe une très grande gamme de concepts vécus et partagés universellement mais appliqués de façon singulière par les dites catégories. Ce que révèle alors le terme « universel », c’est le partage de l’essence. Ce que montre le particulier, ce sont les formes multiples et disparates que peuvent prendre les concepts universels.

                Par exemple, l’amour est un concept universel. Pourtant la relation amoureuse est absolument différente selon que l’on se trouve dans un pays occidental ou oriental, au Nord ou au Sud de la planète. Le code, le langage, les rites, l’impact : tout est différent. Mais on parle bien d’un seul et même concept, un concept universel.

                Autre exemple : la peine. On conçoit la peine partout dans le monde. C’est donc un concept universel. Pourtant la manière dont un deuil est vécu est tout sauf semblable que l’on se trouve dans telle ou telle partie du monde, dans telle ou telle société, dans telle ou telle famille aussi. Les formes particulières sont innombrables et variées.

                J’en viens au concept qui me préoccupe et qui a fait l’objet d’un dialogue interculturel il y a peu de temps : le pardon. Le pardon est un concept présent partout dans le monde, dans tous les niveaux sociaux. La façon dont on le conçoit et dont on le dispense varie elle aussi en les formes qu’elle prend. Mais l’essence, le concept fait bel et bien partie des concepts universels. Le colloque qui était organisé dernièrement à l’Université Catholique de Lille par l’Association Buchenwald-Dora et Kommandos et la Faculté de Théologie avait pour objectif de montrer cette amplitude universelle et d’explorer la variabilité sémantique du pardon. On a pu ainsi écouter la parole des théologiens qui ont une conception bien particulière du pardon, des philosophes, qui ont proposé une analyse résultant de l’histoire de la pensée (Ricoeur, Jankelevich, Macintyre, etc.), des médecins psychiatres qui ont montré comment se vivait le traumatisme et comment il pouvait se heurter au pardon, puis des personnalités directement impliquées dans la vie de la déportation et qui ont montré de façon plus évidente les risques qui étaient ressentis face à l’idée de pardon. Le questionnaire lancé auprès des déportés a d’ailleurs mis en évidence la perception du risque d’oubli face au pardon bien que certains considèrent le pardon comme nécessaire et s’en explique (cf. Sam Braun aux rencontres de Blois).

                En ma qualité de philosophe et par respect de la déontologie relative à ma pratique, j’ai tenu à souligner dès le début du colloque qu’il ne s’agissait pas de prescrire telle ou telle attitude mais que notre enquête visait à comprendre comment l’on peut avoir des théories aussi fermes que celles que l’on trouve dans la parole religieuse d’une part, et des doutes aussi importants que ceux qui émanent des personnes qui ont vécu le pire et qui n’ont pas nécessairement à leur disposition les moyens linguistiques leur permettant de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent.

                Je suis reconnaissante à la Faculté de Théologie de l'Université Catholique de Lille où j'exerce la profession de "Maître de Conférences en Philosophie" d’avoir pris la peine d’étudier le dossier de demande de soutien que je lui avais adressé et d’avoir accepté de me laisser tenir en ses murs un dialogue à visée interculturelle et strictement interculturelle puisque le pardon est tout sauf exclusivement religieux (ce qui était précisé dans le dossier). Que celui qui le pense se garde à jamais de prononcer le mot « pardon » ou toutes les formules équivalentes qui s’y rapportent. Ces différentes formes ont d’ailleurs fait l’objet d’une analyse minutieuse par un linguiste.

                Je suis aussi très reconnaissante aux associations de la confiance qu’elles me témoignent dans le travail que je fais avec elles en vue de lutter contre un renouveau de la barbarie car je suis convaincue que la barbarie ne touche pas que les milieux dits « laïques » et que le message qui vient éclairer les consciences peut valoir pour tout le monde sans exception.

Cathy Leblanc

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 13:56

Un jour Patrick Dupond a dit que l’important dans la danse était de faire en sorte que l’autre soit beau. J’ai toujours gardé cette petite phrase au creux de ma sensibilité et j’ai pensé qu’elle pouvait constituer un merveilleux principe de vie et de partage. Toujours veiller à ce que l’autre soit beau. Cette pensée de l’altérité appliquée à la danse constitue un véritable principe éthique. Il ennoblit la personne à qui il est destiné, personne qu’il rend belle, il ennoblit également son auteur, lui octroyant la grandeur morale issue de son geste. A l’issue de cette mise en œuvre ou mise en lieu de la beauté éthique, chacun se trouve grandit.

Dans un cours que je donnais dernièrement, j’avais abordé l’esthétique du geste éthique et nous sommes ici au cœur même de cette question. Je me demande si l’on cherche aujourd’hui, dans les grands débats qui sont lancés, à respecter ce principe à la fois éthique et esthétique. L’une des questions que je me pose est la suivante : veut-on véritablement faire la guerre à l’humiliation, à la réduction, au rabaissement, au préjugé, à la haine ? Veut-on véritablement assimiler l’un à l’autre et faire de l’un l’équivalent de l’autre, en droit ? Veut-on vraiment travailler en profondeur sur l’égalité des droits, sur le lien fraternel qui unit tous les hommes et qui fait partie des devises de la République française, assure-t-on en cela la liberté de la communauté fraternelle et la liberté de chacun ?

J’ai beaucoup travaillé sur la philosophie de l’éducation anglo-saxonne et il y a dans les pays anglo-saxons un code d’éthique des professions de l’éducation. Ce code stipule qu’en aucun cas le professeur n’a le droit d’humilier ou de ridiculiser l’élève. Il n’a pas non plus le droit de le prendre à parti. Mais l’un des principes-clés de la pédagogie doit être la valorisation. Seule cette valorisation conduit l’élève à conquérir toute sa créativité, à trouver confiance et à pouvoir se développer sur des bases saines. La critique peut se faire à bon escient et quand elle est nécessaire.

Ceci m’amène aussi à me demander si nous sommes capables aujourd’hui de valoriser la différence et de faire valoir l’altérité ? Les peuples, les religions, les religieux, les groupes ethniques se sentent-ils aujourd’hui contribuer à la richesse collective et au patrimoine commun ou bien celui-ci n'est-il pas en train de se désagréger ?

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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 19:46

Le soupçon…

Voilà quelques années maintenant que je travaille sur la thématique de la déportation. J’ai commencé alors que j’étais professeur d’anglais à Lille 3 et je continue maintenant alors que je dispose d’un poste d’enseignant-chercheur qui me permet de bénéficier du soutien de l’institution dans laquelle je travaille pour l’organisation de mes travaux et mes projets de colloques. Depuis de nombreuses années j’explore les tenants et les aboutissants de la déshumanisation et il est un thème sur lequel je reviens alors, de façon systématique : celui de la catégorie. C’est par l’identification de certaines catégories que l’on peut ensuite les exclure. Le travail d’identification constitue alors un acte de langage qui vient modeler la réalité fléchée. Par exemple on emplit un signifié donné de réalités supposées. C’est le fonctionnement même du soupçon. Le préjugé s’invite de la même façon.

La catégorie fléchée répond alors irrémédiablement aux traits définitionnels qu’on lui a apposés et imposés. Elle devient comme engluée dans une toile d’araignée là où le fil soigneusement tissé vient transformer son identité.

Beaucoup d’exemples se prêtent à l’exercice. Si l’on réfléchit à l’image de l’immigré que la xénophobie vient mettre sur la scène, on trouve facilement les traits définitionnels qui vont l’exclure. Il constitue une menace pour une société se sentant légitime mais dont la xénophobie est tout sauf légitime. L’image du Juif a suivi le même modèle : on lui appose toute une série de préjugés qui vont perdurer, comme celui selon lequel il est riche. Mais dans la société française contemporaine on trouve aussi d’autres exemples. Il est tout sauf évident de montrer la sincérité dans laquelle on travaille quand c'est dans une institution universitaire dite "catholique" à des personnes qui sont convaincues que les milieux catholiques s'adonnent nécessairement à la spéculation et au prosélytisme. Comment prouver le contraire ? Comment prouver la sincérité d’une intention ? Comment contrer les soupçons et faire valoir la sincérité de sa démarche ? 

Tous ces préjugés viennent fragiliser les catégories qu’ils touchent. Un préjugé est blessant. Le soupçon est blessant. J’ai pris des exemples très différents mais ils convergent tous vers une même réalité : le sentiment d’exclusion et l’acte de langage visant à exclure sont destructeurs. L'esclusion et le sentiment qu'elle procure sont destructeurs et garants de déshumanisation. Je m’interroge aujourd’hui sur la manière de contrer ce type de destruction et sur la manière de proposer un dépassement du préjugé. Si ce dépassement avait été possible dans les années 30, il n'y aurait pas eu de génocide car le nationalisme et la haine n'auraient pas eu de prise. Comment faire comprendre cela ?

Le travail que j’effectue aujourd’hui, en réfléchissant, à partir de colloques, de séminaires, d’articles sur la barbarie de A à Z, vise à rassembler les mondes dans leur différence et leur singularité et faire en sorte qu’un dialogue constructif puisse avoir lieu, un dialogue qui n’exclut personne, où chacun est le bienvenu, et qui soit capable de trouver de l’intérêt dans la différence.

Je vous remercie de votre soutien sincère et incessant.

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 09:48

Des événements banalement quotidiens (mais structuralement quotidiens) m’amènent à réfléchir sur les modalités de l’excuse. Nous avons récemment grâce au linguiste qui intervenait dans la table ronde du colloque sur le pardon, montré que l’excuse pouvait être formulée à partir de mots, de gestes, de modalités bien différentes les unes des autres. L’excuse n’a pas non plus besoin d’être d’une évidence manifeste, elle ne requiert pas nécessairement « le mot » dit « mot d’excuse ». Un signe peut tout aussi bien valoir pour l’excuse. Il faut donc se représenter l’excuse dans la gamme de ses équivalences. Oui, mais alors, l’équivalence fait-elle sens au même titre que l’excuse. Dire « Excusez-moi s’il vous plaît » vaut-il « Merci de votre compréhension » ou encore «  je me suis emporté(e), j’étais fatigué(e) » ou « je suis allé€ trop loin » ? On peut aussi se demander si ces formes équivalentes ne finissent pas par revêtir davantage de sens que l’excuse elle-même.

La position que nous défendrons est celle selon laquelle les médiations ou voies détournées sont, au final, toujours plus marquantes dans la mesure où elles respectent davantage la liberté de l’interlocuteur. Elles ont aussi l’avantage de proposer une explication rationnelle au fait regretté. Dire « je me suis emporté(e) », c’est reconnaître la raison exacte pour laquelle on a pu peiner autrui alors que dire « Je vous prie de m’excuser », c’est solliciter l’effacement de la dette encourue par l’excès. D’une certaine façon, on est plus exigeant vis-à-vis de l’interlocuteur quand on lui demande de nous excuser que lorsque l’on décrit le fait regretté. Dans cette dernière attitude, la dette est absente. On n’est pas sur le même niveau que celui de l’excuse à cet égard. On fait bien plutôt appel à l’empathie et à la compréhension qu’à une décision ou un accord en vue de l’effacement de la dette.

Sur le plan éthique, je pense qu’il vaut mieux proposer à l’interlocuteur d’entrer dans une relation empathique plutôt que de lui imposer la décision ou non de l’effacement de la dette, ce qui le place dans un rapport d’autorité en lui alléguant la place de choix alors que le conflit émerge souvent de rapports d’autorité.

Dans ce cas, et puisqu’il y a lutte, même symbolique, la valorisation d’une position occupée par l’altérité, la reconnaissance du bienfondé de cette position et quand bien même on n'y adhère pas, pourra même valoir l’excuse et exclut le rapport d’autorité puisque la valorisation permet au locuteur d’asseoir sa position. On est sur un plan d’également ou hors-autorité.

Voilà, après le « pardon », quelques pistes que je souhaite livrer en vue d’un débat d’idées.

Je vous remercie et vous dis : "A demain !"

CL.

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20 mars 2011 7 20 /03 /mars /2011 14:43

 

Un colloque sur le thème du pardon à l’épreuve de la déportation s’est tenu du 10 au 12 mars derniers à l’Université Catholique de Lille et était hébergé par la Faculté de Théologie. Ceci est déjà significatif. En effet on se représente souvent une faculté de théologie comme le lieu où s’exerce la croyance, une croyance étroite, où l’on forme ceux qui vont seulement dispenser cette étroite croyance, avec autorité et où le dialogue ouvert n’est pas opportun.

 

Quand j’ai été recrutée à la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de Lille, en qualité de Maître de Conférences en philosophie, j’ai été surprise de constater à quel point le dialogue était ouvert et que bien au-delà d’un souci pour la croyance, c’était un véritable engagement pour l’humain qui était là à l’œuvre. Je ne peux dire le plaisir que j’ai éprouvé quand j’ai compris qu’alors, j’avais carte blanche pour m’engager sur ce terrain : c'est-à-dire bel et bien celui de l’humain. Dans le discours qu’il proposa à la table ronde du samedi, le Père Hubau, Professeur en théologie, l’a bien rappelé : la Bible est d’abord un livre de sagesse. Et de la sagesse, il nous en manquera toujours et toujours plus à proportion que croitra la violence, la xénophobie, soit-elle sous la forme d’un antisémitisme évident ou d’une haine de toute catégorie qui s’apparente à la différence : différence de peau, différence de culture, différence de croyance, différence d’engagement. Le combat qui s’y livre est donc bel et bien un combat contre l’intolérance avec toutes les formes qu’elle peut revêtir. Il inclut une réflexion profonde et attentive sur ce qu’il est possible de mettre en œuvre pour essayer de préserver la dignité humaine où qu’elle se trouve.

 

Alors, je voudrais dire toute la joie qui fut mienne lorsque la Faculté a donné spontanément son aval pour soutenir la tenue et l’organisation d’un colloque sur le pardon à l’épreuve de la déportation. C’est là une grande chance et la volonté de cette institution de soutenir cette thématique doit échapper à tout réductionnisme qui voudrait que l’on se contente d’y prêcher. Non, que fait-on à la Faculté de Théologie ? On lit les textes anciens, textes sacrés issus de cultures différentes, on entretient le dialogue entre les religions, on essaie de les comprendre (psychanalyse des religions), on dispense aussi un enseignement de philosophie que l’on souhaite à la fois formateur (histoire de la philosophie) ou engagé (philosophie des droits de l’homme, centre d’éthique). On se met aussi à l’écoute des différences et l’on accueille la différence : différence d’orientation, de méthode, de perspective.

 

Le colloque a donc rassemblé des personnalités provenant d’institutions différentes : les institutions appartenant directement au monde de la déportation (Association Buchenwald-Dora et Kommandos, Fondation pour la mémoire de la déportation, Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, ONAC), mais aussi des associations à but humanitaire comme l’Association Valentin Hauy (donneurs de voix) qui a permis une lecture professionnelle des témoignages envoyés par les déportés ou leurs enfants, et finalement, des institutions académiques diverses (Lycée de Melk[Autriche], représenté par Karl Thyr, Professeur en philosophie, Université de Milwaukee[USA] représentée par le Professeur Pol Vandevelde, Institut d’Etude des Faits religieux hébergé par l’Université publique d’Artois, Institut Catholique de Lille). Il faut aussi mentionner le soutien de la Ville de Lille pour la séance publique du samedi. Le colloque était tout sauf « privé ».

 

Je voudrais dire à quel point je suis heureuse de cette mutualité dans l’effort et je voudrais encore dire que je souhaite pouvoir accroître cette mutualité à l’avenir.

 

Les nombreux dialogues qui ont eu lieu ont montré que non seulement les personnes qui s’étaient inscrites au colloque (plus d’une cinquantaine au total et finalement), mais aussi les intervenants, étaient préoccupés par cette question du pardon, tant au plan diplomatique et politique –elle prend alors la forme de la réconciliation- qu’au plan personnel. Ces dialogues ont montré qu’il pouvait y avoir un lien entre l’impossibilité d’accorder son pardon à des tortionnaires, ce qui est tout à fait légitime, et l’impossibilité, en écho, de le dispenser dans sa vie quotidienne. Nous avons compris que l’épreuve de la déportation ne concernait pas seulement des personnes à un moment donné de l’histoire mais qu’elle entraînait des difficultés pour la descendance et pour la représentation de certains concepts.

 

Au sortir de ces trois jours de réflexions mais aussi de bonne humeur où les uns les autres ont fait connaissance des uns et des autres, ont trouvé intérêt dans ce que faisait les uns les autre, nous ne pouvons qu’espérer poursuivre l’entreprise et j’espère vivement que ce colloque sera le premier d’une série de réflexions thématiques qui permettra aux uns aux autres de se rapprocher, de se comprendre, de s’entre-aider et de s’apprécier dans le respect et la dignité posée par la Déclaration Universelle des Droits de l’homme comme un bien inaliénable. Je vous remercie.

 

Autorisation vous est donnée par l'auteure de diffuser cet article à toute institution, instance ou personne qu'il pourrait intéresser.

 

Cathy Leblanc,

Maître de Conférences en Philosophie,

Responsable du cours de Philosophie des Droits de l'Homme

Membre du réseau des Femmes Philosophes de l'Unesco.

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 09:35

 

UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LILLE

 

La Faculté de Théologie, l’Institut de Philosophie et de Sciences des Religions

 

                                                                                                   et                                                                         

 

L’Association Buchenwald-Dora et Kommandos

 

Avec le soutien de l’Institut d’Etude du Fait Religieux

 

présentent

 

Le pardon à l’épreuve de la déportation

 

 

Colloque international interdisciplinaire

 

Du 10 au 12 mars 2011

 

à

 

L’Université Catholique de Lille

 

 

Pour toute information merci de contacter :

cathy.leblanc@icl-lille.fr

                                                                        ou de téléphoner au 03.20.13.41.57

 

 

 

 

 

1ère journée

Approche théorique du pardon : « Parole et pardon »

Jeudi 10 mars 2011

A  l’Université Catholique de Lille

 

9.30 Accueil par l’Université Catholique de Lille  et

La Faculté de Théologie.

 

 

Théologie

10.00 – 10.40 Jean-Luc Blaquart, UCL, « La voie du pardon comme attitude chrétienne face au mal »

10.40-10.50 Discussion

 

10.50-11.30 Michèle Clavier, UCL, « Le pardon ou l’originalité chrétienne au service du bien commun ».

11.30-11.40 Discussion

 

11.40-12.20 Dominique Foyer, UCL, « L’imprescriptible et l’impardonnable »

12.20-12.45 Discussions

 

Pause Déjeuner

 

Anthropologie et philosophie

14.45-15.25 Stanislas Deprez, UCL (anthropologie) « Le pardon, opérateur de communication »

15.25-15.35 Discussion

 

15.35-16.25 Pol Vandevelde (philosophie) Marquette University (USA) – « Les enjeux et les difficultés du pardon communautaire »

16.25-16.50 Discussions

 

Pause

 

17.10-17.50 Charles Coutel (philosophie) Université d’Artois – « Pardon, réconciliation et hospitalité »

17.50-18.30 Discussions

 

 

 

 

2ème journée

Approche situationnelle :

« Le pardon face à l’impossible »

Vendredi 11 mars 2011

A l’Université Catholique de Lille

 

 

Approches psychiatrique et psychologique

10.00-10.40 Michel Pierre (psychiatrie), Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Interviendra sur « les séquelles psychotraumatiques de la déportation. »

10.40-10.50 Discussion

 

10.50-11.30 Serge Raymond (psychologie), Fondation pour la Mémoire de la Déportation (titre à préciser)

11.30-11.40 Discussion

 

11.40 – 12.30 Karl Thir (psychologie et philosophie), Lycée des Bénédictins, Melk (Autriche), « Culpabilité et pardon selon Victor Frankl. »

12.30-12.50 Discussions

 

 

Pause Déjeuner

 

 

Le travail de mémoire dans les associations et à partir des associations

15.00-15.40 Dominique Durand (sociologie), Président de l’Association des anciens déportés de Buchenwald-Dora et Kommandos

15.40-16.00 Discussion

 

Approche linguistique

16.00-16.40 Cathy Leblanc (linguistique et herméneutique), UCL, « Pour une sémantique du pardon »

 

16.40-17.30 Discussions sur la dernière intervention et sur la journée complète

 

 

 

 

 

 

3ème journée

Témoignage : « Mémoire vivante »

Samedi 12 mars 2011

Séance publique à la Halle aux Sucres

Entrée libre

 

La parole des témoins

9.00-10.00  Accueil par la Mairie de Lille

 

Lectures par les donneurs de voix des réponses formulées par les déportés suite au questionnaire publié dans leurs journaux.

 

10.00-10.30 Témoignage. Floréal Barrier, ancien déporté de Buchenwald.

 

Pause

 

La voie ouverte de la souffrance

10.45-11.15   Le cas particulier des descendants de déportés : parole d’outre-monde par Marie-France Reboul

 

11.15-12.15 Table ronde avec Michel Hubaut (théologien), Dominique Verbeken (linguiste) et  Christophe Perrin  (philosophe) animée par Cathy Leblanc (philosophe)

 

 

 

 

 

___________________________________________________________________________________________________

L’inscription est obligatoire. Elle est souhaitée également pour la séance publique du samedi.

 

Nom :___________________________________________

 

Prénom :_________________________________________

 

Adresse :_________________________________________

 

________________________________________________

Téléphone (fixe et portable) :_________________________

 

 

Cocher la case

Je souhaite m’inscrire au colloque - 40 €

 

Déjeuner du jeudi midi – 15 €

 

Déjeuner du vendredi midi – 15 €

 

                                                    TOTAL :

 

Chèque libellé à l’ordre de « L’Institut Catholique de Lille »

Et à envoyer à : Faculté de Théologie - « Colloque pardon »

60 Boulevard Vauban - BP 109 – 59016 Lille Cedex.

 

 

 

 

LA LETTRE

 

Chers amis,

 

Depuis quelques années, je travaille avec l’association d’anciens déportés de Buchenwald-Dora et Kommandos et l’Amicale des Anciens Déportés de Mauthausen grâce auxquelles j’ai pu me familiariser avec le problème de la déportation.

Si mon objectif initial était de mieux comprendre les possibilités et les conditions de la barbarie, ces associations m’ont permis de prendre conscience des conditions de survie biologiques mais aussi spirituelles dans des milieux extrêmes. C’est de là qu’est née cette réflexion sur les concepts philosophiques à l’épreuve de l’ultime. Le sens d’un terme comme celui du pardon prend une toute autre coloration, une toute autre gravité quand il est confronté à une problématique comme celle du génocide nazi.

Si ce colloque permet de comprendre comment on peut survivre à des conditions extrêmes de bestialité organisée, il donne aussi à voir toute la grandeur dont peut être capable l’être en souffrance, ses ressources inouïes.

Je remercie l’association Buchenwald-Dora et Kommandos, son président, Dominique Durand, et toute l’équipe qui travaille à ses côtés, de son soutien dans cette vaste entreprise qu’elle a facilitée en m’intégrant pleinement et sans réserve dans un monde soudé par la lutte contre la barbarie. Je la remercie également pour son soutien logistique et financier. Cette association ainsi que l’association des anciens déportés de Mauthausen ont également mis à ma disposition, leur journal pour publier un questionnaire dans lequel les réactions des déportés étaient sollicitées. Leurs réponses seront lues le samedi 12 mars et analysées au cours du colloque.

Je voudrais encore souligner que l’initiative d’un dialogue entre la faculté de théologie et l’amicale de Buchenwald-Dora et Kommandos revient à Dominique Durand, son président à qui je rends hommage.

Enfin ce colloque fut rendu possible grâce au soutien de partenaires que nous remercierons et nommerons lors du colloque.

Cathy Leblanc

Maître de conférences en philosophie à l’ICP

Membre du conseil d’administration de l’association Buchenwald-Dora et Kommandos

 

PS : il est possible que quelques changements mineurs interviennent dans le programme suivant des aléas relatifs à la problématique du colloque.

 

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31 décembre 2010 5 31 /12 /décembre /2010 15:51

Chers amis,

J’ai reçu il y a peu, le résumé du Professeur Karl Thir qui interviendra lors du colloque sur le pardon pour parler de Frankl. J’aime à vous présenter ce résumé tant il est intéressant et pourrait d’ors et déjà susciter des réactions qui seront reprises lors du colloque. D’avance grand merci pour vos commentaires qui pourront être lus puisque Monsieur Thir est abonné au blog. Je félicite également le Professeur Thir pour la qualité de cet exposé et pour la qualité de son français (le Prof. Thir est germanophone). Pour ceux et celles qui souhaiteraient m’envoyer un résumé plus important que ce qu’ils ont proposé, ils peuvent le faire via mon adresse mail. Je le publierai sur ce blog de manière à ce que déjà des commentaires puissent apparaître. D’avance merci et….

UNE FABULEUSE ANNEE 2011 A TOUS  !!! Cathy Leblanc.

 

 Culpabilité et pardon selon Viktor Frankl

Par Karl Thir

Viktor Frankl (1905-1997) est le fondateur de la 3e école viennoise de la psychologie des profondeurs (après la psychanalyse de S. Freud et la psychologie individuelle d´A. Adler). Ayant été en contact avec Freud et Adler, le jeune psychiatre et neurologue Frankl a développé à partir de 1930 sa propre conception d´une psychothérapie : l´analyse existentielle (une anthropologie basant sur l´anthropologie de M. Scheler et la philosophie de l´existence selon Heidegger et Jaspers).

Après l´annexion de l´Autriche par les nazis une période de rudes épreuves et de persécution bestiale a commencé pour les Juifs vivant sur le territoire de l´ancienne Autriche. En 1942, Frankl, ayant été neurologue au seul hôpital juif à Vienne toléré par les nazis a été déporté avec sa femme et ses vieux parents dans le camp de détention de Theresienstadt. Là, son père est mort en 1943, sa mère a été transférée à Auschwitz où elle a été exterminée dans une chambre à gaz et sa femme a trouvé la mort dans le camp de Bergen-Belsen en 1945.

En octobre 1944 Frankl a passé quelques semaines à Auschwitz avant d´être déporté au camp de Kaufering-Türckheim (un commando du camp de Dachau).Là, il a été libéré par des troupes américaines le 27 avril 1945.

De retour à Vienne, il est devenu médecin-chef du département de neurologie de la clinique polyvalente. En 9 jours il décrit ses expériences du monde concentrationnaire dans un livre.

Frankl, docteur en médecine et en philosophie, a nommée sa thérapie « logothérapie », une psychothérapie centrée sur la question du sens de la vie. D´après ses recherches et ses expériences dans les camps de la mort Frankl enseigne que la motivation principale de l´homme n´est pas la « volonté du plaisir » (satisfaction du « ça » freudien) ni la « volonté de puissance » (satisfaction du besoin de se faire valoir et de dominer selon Adler) mais de trouver un sens à sa vie, de trouver et réaliser sa tâche personnelle que « la vie a réservé pour chacun/e».

L´homme peut trouver du sens en réalisant des valeurs de création (activité constructive), des valeurs d´expérience (expérience de la beauté de la nature et dans la culture, expérience de l´amour, de l´amitié, de la solidarité humaine) et des valeurs d´attitude. Parfois, l´homme n´a pas la liberté de changer son destin, mais il a toujours la liberté de changer son attitude face à un destin inchangeable, un destin qui se manifeste sous forme de la triade tragique qui sont souffrance, culpabilité et mort. Outre le sens personnel Frankl mentionne le « super-sens », le sens « de tout », qu´il appelle aussi Dieu. L´existence du super-sens ne peut pas être prouvée scientifiquement, mais l´homme peut faire l´expérience d´un sens supérieur et il peut – non pas en savoir, mais y croire.

Selon la logothérapie, la liberté est – avec la responsabilité - un existential de l´homme. Même si l´on veut le mieux, personne n´échappe à la culpabilité. Quant à la propre culpabilité, l´homme peut non seulement essayer de réparer les dégâts, mais aussi de devenir un autre – en tirant les leçons de ses fautes il peut se détourner du « non-sens du mal » et se tourner vers le « sens du bien ». Quant à la culpabilité des autres, l´homme comme victime a également le choix : ou bien la haine et la vengeance, ou bien le pardon. Le pardon, lui aussi, a une force de transformation salutaire : en restant dans un état de haine ou de désespoir, moi, comme victime, reste blessée et affaiblie. Mais en pardonnant – de cœur – je rends entre autres possible que mes blessures guérissent et que je devienne un homme rempli non pas de haine, mais de bonté. Moi, la victime, deviens également un autre.

Frankl a toujours dit qu´il a pardonné à ses tortionnaires et il s´est toujours prononcé contre la conception de la culpabilité collective. Selon lui, il n´existe que culpabilité individuelle, et il est éthiquement absolument incorrect de condamner quelqu´un pour quelque chose qu´il n´a pas fait, de le condamner seulement parce qu´il appartient à un peuple – dont les dirigeants et une majorité ont commis des actes criminels. Frankl dit même que la conception de la culpabilité collective est une « idée typiquement nationale-socialiste » dont lui, sa famille et des millions d´hommes ont été les victimes.

La jeune génération ne peut pas être responsable du passé, des crimes de la génération des grands-parents, mais elle est responsable de l´avenir : condamner les crimes, honorer les victimes et rester vigilant pour que « la peste de cœurs «  (A. Camus), le malheur du fanatisme, ne réapparaisse plus jamais.

 

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