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22 octobre 2014 3 22 /10 /octobre /2014 12:46

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EDITION 2014

 

 

 

 

Droit et Littérature, quand lire c’est faire

 

Dimanche 16 novembre 14.30 à16.30, Palais des Beaux Arts, grand auditorium, Métro République, Lille.

 

Avec

 

François Ost est vice-recteur des Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles, directeur de  l’Académie européenne de théorie du droit et membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. Il a publié notamment Raconter la loi (Odile Jacob), Furetière, la démocratie de la langue (Michalon), Shakespeare, La Comédie de la Loi (Michalon), Traduire (Fayard).

 

 

Denis Salas est magistrat et essayiste. Il est secrétaire général de l’Association française pour l’histoire de la justice et directeur de la revue Les Cahiers de la justice. On lui doit entre autres Kafka, Le combat avec la Loi (Michalon) ; Imaginer la loi, le droit dans la littérature (Michalon), Albert Camus, la juste révolte (Michalon).

 

 

 

Discipline rigoureuse reposant sur d’innombrables codes, le droit peut néanmoins apparaître dans la littérature voire y trouver la source de son jugement. On se demande alors comment alors concevoir cette relation entre deux domaines qui semblent a priori si distincts. Quelle est la fonction du récit dans le droit ? Comment l’écriture littéraire peut-elle contenir une trame juridique ? Est-il légitime que le droit s’appuie sur la littérature ? Telles sont les questions que suscite  le travail de l’école de droit et littérature, très appréciée dans la formation des juristes et dont François Ost et Denis Salas sont d’éminents acteurs.

 

Débat animé par : Cathy Leblanc, professeur en philosophie à l’Université catholique de Lille. Directrice du Centre de Recherche International sur la Barbarie et la Déshumanisation.

 

 

 

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18 octobre 2014 6 18 /10 /octobre /2014 22:27

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EDITION 2014

 

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Marie-Claude Vaillant-Couturier, Une femme engagée, du PCF au procès de Nuremberg (Balland)

 

            En présence de l’auteur :

 

Dominique Durand, journaliste, président de l’association des anciens déportés de Buchenwald-Dora et Kommandos, à Paris.

 

Présentation : Cathy Leblanc, professeur en philosophie à l’Université catholique de Lille. Directrice du Centre de Recherche International sur la Barbarie et la Déshumanisation.

 

Qui n’a pas lu son témoignage au procès de Nuremberg, en 1946 ? Face à ses bourreaux, elle y a dit l’horreur de ce qu’on appellera la Shoah. Elle est la première à photographier les camps de concentration d’Hitler en 1933. Elle immortalise également le combat des républicains lors de la guerre civile d’Espagne. Dans le Paris occupé de 1940, elle vit dans la clandestinité avec son futur mari, pierre Villon, bientôt membre du conseil national de la Résistance, et leur fils, Thomas, jusqu’à sa déportation à Auschwitz en 1942, puis à Ravensbrück. Marie Claude Vaillant-Couturier incarnera cette « femme mémoire » qui ouvrira le chemin à l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.

 

De 17 à 19 heures, au Forum FNAC – 20 rue St Nicolas-Lille

(dans la limite des places disponibles)

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11 août 2014 1 11 /08 /août /2014 10:53

 

 

La logique de la philosophie est une exploration des figures de la subjectivité que Weil nomme « catégories ». Chacune des catégories représente un positionnement du sujet par rapport au monde. Chaque positionnement, s’il peut être influencé par le statut économique et social des sujets, reste indépendant de ce type de statut et peut se retrouver dans n’importe quel niveau social ou chez n’importe quel penseur. Le même positionnement, les mêmes repères, la même importance accordée aux normes peuvent se retrouver dans des contextes très variés. La Logique de la philosophie comprend 18 catégories représentant chaque l’homme de la dite catégorie, un peu à la manière dont Platon, dans La République représentait pour chaque type de gouvernement, l’homme de ce gouvernement. Les thèmes d’ancrage représentés sont : 1. La vérité 2. Le non-sens 3. Le vrai et le faux 4. La certitude 5. La discussion 6. L’objet 7. Le moi 8. Dieu 9. La condition 10. La conscience 11. L’intelligence 12. La personnalité 13. L’absolu 14. L’œuvre 15. Le fini 16. L’action 17. Le sens 18. La sagesse.

 

Nous nous intéresserons à la catégorie de la condition car dans le cadre d’une réflexion sur la responsabilité, cette catégorie nous a semblé très proche de la catégorie existentiale du « on » chez Heidegger, par laquelle le sujet s’abandonne à tout type de prescription, abandonnant alors ce qui fonde sa responsabilité, c’est-à-dire aussi le pouvoir ou mieux, la maîtrise qu’il pourrait exercer sur le monde qui l’entoure, c’est-à-dire, en termes heideggerien, « le monde ambiant ».

 

La condition est donc la 9ème catégorie et elle représente aussi la réalité de la vie lorsqu’elle est ou semble être ce à quoi l’on ne peut échapper. Cette catégorie pose donc la question de la maîtrise que le sujet peut avoir sur le monde qu’il habite. Elle pose la question de ses prérogatives et de la responsabilité. Nous avions vu que le sujet dominé par le « on » perd toute emprise sur le monde qu’il se met à subir. Il n’en est pas autrement pour l’homme de la condition chez Weil. Il en réduit à faire face à une toute puissante réalité vis-à-vis de laquelle il ne peut « rien ».

 

Précisons encore que la logique de la philosophie est circulaire. Chacune des catégories appelle celle qui la suit, exactement comme dans l’étude non des catégories mais des régimes politiques chez Platon. Chaque régime appelle celui qui le suit comme par nécessité. On se souvient de la critique de la démocratie, régime succédant à l’oligarchie. Cet exemple est pour nous tout particulièrement parlant dans la mesure où la démocratie est justement la mise en place de normes résultant du consensus général ayant quelque affinité avec sinon la tyrannie de la majorité, comme se plaisait l’affirmer John Stuart Mille (On Liberty), du moins celle de la norme ou du « on ».

 

Dans la Logique de la philosophie, L’homme de la condition fait suite à l’homme de la foi. L’état d’esprit généré par la systématique de la foi telle que l’entend Eric Weil qui était un athée convaincu et militant, ouvre sur la nécessité de la condition. Une transformation s’est effectuée par laquelle les traditions, les sciences, les codes sont dépréciés. Le sujet se trouve alors dans un monde inconnu. La prescription de la tradition et des codes sera remplacée ou transformée en une prescription qui est le plus souvent sociale en rupture avec la transcendance quelque soit la manière dont le sujet se la représentera :

 

 « Etre, justice, vertu, tout ce qui est de cet ordre, sont pour lui des mots qui paraissent avoir un sens dans l’absolu, mais auxquels rien ne correspond depuis qu’il s’agit de son expérience. »

 

car ce monde de l’expérience est devenu prépondérant. Cependant, en rupture avec la transcendance, le sujet ne peut que se heurter aux limites de l’immanence mais aussi du monde empirique :

 

« Partout il ne rencontre que des limites, et toute connaissance à sa portée est négative ; le vrai est transcendant, il n’est donc pas du monde de l’homme. »

 

Au silence de la méditation, fait suite la nécessité de parler de manière à transposer l’horizontalité de la relation en une verticalité de cette relation car l’homme reste un être en relation. Ici également se trouve une inspiration toute platonicienne de Weil car la démocratie apparaît justement comme une verticalité de la relation : les hommes se mettent à parler entre eux pour régir les lois de leur vivre ensemble. La parole est donc au cœur de cette nouvelle relation :

 

« L’home qui ne vit plus avec Dieu doit parler, parce qu’il ne vit plus par le cœur. »

 

Cependant, l’homme de la condition est limité dans sa parole car si les prescriptions des codes et des traditions ont été transformées en prescriptions sociales, il reste que le travail d’observation que cet homme pourra mener n’est en rien un travail d’introspection. C’est toujours la relation à l’extérieur, ici un extérieur social, qui domine son positionnement. Si bien qu’

 

« il ne peut pas parler de lui-même ; car il ne se rencontre jamais. »

 

Par ailleurs, l’homme de la condition évoluant constamment dans une moyenne ne peut tenir pour stable, une parole ou une autre :

 

« Rien de ce qu’il dit (ou pense) n’est essentiel, rien d’essentiel ne peut être saisi. Sur chaque point, l’homme se trouve déterminé, précisément parce qu’il ne procède que de point en point et qu’aucun point ne le remplit. Il n’y a que des conditions et chaque condition est de nouveau conditionnée. » (…)

 

La seule solution dans ce type de fonctionnement est d’accepter, voire de subir la vie comme elle est. Il n’aperçoit aucune autre possibilité : il ne pourra jamais en sortir, pense-t-il, tout enfermé qu’il est dans les limites de la condition où tout se vaut :

 

« L’homme de la condition s’installe dans la vie, il l’accepte telle qu’elle est, tout en sachant qu’elle n’a rien d’absolu. (…) Le fait est qu’il n’a ni langage ni science dont il soit certain. Il doit acquérir son savoir, non comme l’individu qui se saisit de connaissances qui existent déjà, mais pour remplacer la révélation : la science est à créer, et elle l’est continuellement, parce qu’elle ne touche jamais la vérité objective. (…) une seule tâche s’impose, celle d’arranger la vie pour le mieux. (…) La réalité de cette vie est le travail, réalité non seulement pour nous, comme c’était le cas dans les attitudes de la certitude, de la discussion, de l’objet, mais pour la vie elle-même. (…)

 

Dans ce contexte, aucun idéal ne peut prévaloir car l’idéal serait une forme de transcendance et séparerait l’homme de la condition de son milieu ambiant. C’est pourquoi :

 

« Le travail n’a pas de but, et les besoins et les désirs de l’homme ne sont que des conditions conditionnées. »

 

Ce qu’il peut néanmoins éprouver est le résultat d’une lutte vis-à-vis de la nature, qui reste la condition première qu’il ne pourra de toute façon pas dépasser : 

 

« L’homme lutte contre la nature qu’il rencontre en lui-même comme au dehors, non pour atteindre une fin (ce qui serait la fin de tout), mais parce que telle est sa condition, par ce qu’il n’y a rien d’autre à faire : bonheur et salut sont d’un ordre transcendant, et cela signifie qu’ils n’ont rien à chercher dans cette vie, que l’homme ne doit pas les chercher. (…) La vie n’a plus de sens ; le sens, toujours hypothétique, se définit dans la vie et par la vie, par rapport à une condition donnée comme existante ou pré-donnée comme voulue – et encore faut-il faire attention en employant le mot de donné, puisque rien n’est donné définitivement.(…) »

 

Le langage de cet homme de la condition est un langage emprunté au domaine de ce que Heidegger a nommé « la technique ». C’est le langage du fonctionnement et du progrès de ce fonctionnement :

 

« L’home lui-même exprime ces faits en disant qu’il n’a pas de langage à lui, mais qu’il parle celui de la science en progrès. En effet, parler de lui-même serait un contresens : qu’est-ce que lui-même ? On peut se connaître, mais seulement comme point de rencontre de séries de conditions. »

 

 Dans ce contexte du fonctionnement, l’identité et la personnalité disparaissent :

 

« Il y a Monsieur X, on peut le déterminer et le modifier ; mais que celui qui procède à ce travail soit Monsieur X en personne, cela est un hasard, et un hasard peu favorable, puisque les autres sont mieux placés pour l’analyser et pour agir sur lui. »

 

Mais alors, on se pose la question de la manière dont un tel sujet peut se représenter lui-même à ses propres yeux. Y-a-t-il seulement pour lui une possibilité de se représenter lui-même ? Cette représentation en est réduite à un sentiment résultant de l’expérience de la vie ou de la pensée :

 

« Ce lui-même qui prétend être autre chose que Monsieur X n’est que le sentiment, c’est-à-dire, une condition parmi les autres, une pièce du mécanisme intérieur qu’on appelle psychique, pièce qui dans la réalité (du travail) n’a de l’importance que dans la mesure où elle gêne. (…) Se connaître est un but fantasque, si se connaître signifie autre chose que changer sa condition. »

 

 

La place du langage est aussi ajustée à la condition et l’homme de la condition ne peut que considérer le langage dans une forme d’imperfection, un peu à la manière de Bergson pour qui les mots n’étaient que des vêtements mal ajustés à la pensée :

 

 « La science est essentiellement technique, l’homme est ouvrier, le langage n’est qu’un outil, assez mauvais au reste et qu’il faudra remplacer par un autre de plus grande précision. »

 

Le sentiment de satisfaction semble être exclut d’une telle dynamique. Et par ailleurs, il semble exister pour cet homme de la condition, une culture de l’insatisfaction, à la manière dont Freud décrivait ses névroses. La condition est un mal qui est bon à vivre et dont on ne veut pas se détacher tant le pathos collectif ou supposé renforce l’intensité de ce qui semble être vécu. C’est aussi la crispation dont nous parle parler Hegel dans sa Phénoménologie de l’esprit qui repose tout également sur un fonctionnement systématique de catégories s’engendrant par nécessité les unes les autres : Hegel formule cette crispation avec une précision déconcertante : il s’agit de « tenter toujours de conserver ce dont la perte menace » alors que pourtant cette crispation empêche le dépassement (Aufhebung) de la catégorie qui précède, vers la catégorie suivante. Elle empêche aussi le dépassement de soi-même. N’oublions pas qu’Eric est aussi un grand spécialiste de Hegel et que la logique des fonctionnements que l’on retrouve dans La République de Platon ou dans La Phénoménologie de l’esprit de Hegel n’est pas étrangère à la logique weilienne de la subjectivité.

 

La crispation, et le confort pathologique de la condition conduisent au renoncement et à toute emprise sur le monde, c’est-à-dire aussi à toute responsabilité. Ce positionnement conduit aussi à un pessimisme qui n’a d’égal que celui qui émane de l’œuvre de Kafka. Nous penserons, par exemple à sa fameuse Métamorphose.

 

L’homme de la condition est un homme traqué, un homme pour qui tout est difficile. La difficulté est traduite en termes de mérite, mérite que la légitimité que le sujet lui accorde peut conférer à l’existence. L’homme de la condition, c’est aussi l’homme des romans de Dickens, et peut-être en particulier de Hard Times (les temps difficiles). C’est un homme emprisonné dans un état d’esprit par lequel il ne peut rien sur le monde que s’y soumettre. Nous sommes là à l’opposé de toute emprise, de toute responsabilité ou même de toute créativité existentiale. L’homme de la condition est profondément un homme du renoncement, un homme pessimiste car où trouverait-il sa lumière ?

 

Dans le contexte historique dans lequel a baigné Eric Weil, nous nous demandons à quoi cette catégorie peut faire référence et pourquoi elle peut être dangereuse. En effet, l’homme de la condition ici décrite est un homme extrêmement fragile car manipulable à loisir. Il suffit de lui soumettre de la condition pour motiver son adhésion. La langue populaire possède plusieurs expressions pour dénoncer son attitude pour tout simplement pour faire acte de négativité : on y parle de « mouton ». Mais, cette figure de la condition semble revêtir une importance considérable. Il ne s’agit pas seulement ici d’un jeu de style auquel on pourrait s’adonner à loisir : l’homme de la condition est l’homme que cherche le totalitarisme et il est l’homme sur lequel il pourra exercer tout pouvoir. En effet l’homme du totalitarisme, si nous devions créer cette catégorie, est aux antipodes du renoncement. Il est prêt à tout inventer pour cueillir l’adhésion de l’homme de la condition et ce à n’importe quel prix –celui du mensonge ou de l’idéologie- du moment qu’il puisse faire de l’homme de la condition, son objet et ainsi le posséder, possession dont il tire la légitimité en invoquant  des liens contractuels (le contrat social ou le contrat politique) par lesquels l’homme de la condition perçoit le renforcement et l’inévitabilité de la condition.

 

Ceci nous renvoie à la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave. Nous ne pouvons pas ici ne pas en revenir à Hegel. L’homme de la condition est en effet esclave dans la mesure où il subit, sans, pense-t-il en avoir le choix, tout ce qui vient à lui : le monde qui ne sera jamais son monde. En ce sens, il se dépouille de sa responsabilité et de la jouissance qu’il pourrait en avoir, jouissance qui, par ailleurs, constitue la pierre de touche de l’emprise totalitaire. Son enthousiasme sera suspect voir condamnable d’abord à ses propres yeux car il est le signe d’une conquête du monde là où la soumission devient une valeur sûre et est érigée en valeur morale : le signe que l’on a compris qu’il fallait accepter l’état des choses.

 

Nous pouvoir voir aussi ici une critique d’un état d’esprit qui habitait le monde ouvrier de la première moitié du XXème siècle. Beaucoup d’ouvriers ayant adhéré au communisme ont tout simplement refusé de monter les échelons des hiérarchies ou d’accéder à la propriété. Si ce communisme là favorisait la solidarité, la solidité d’un certain corps social, il ne permettait pas aux sujets d’en sortir, et il était très mal vu de sortir de sa condition. Cela revenait à « retourner sa veste ». Le renoncement, là aussi faisait figure de valeur morale et offrait le partage d’un pathos commun tout en privant le sujet de la lumière d’un avantage qu’il aurait pu avoir sur le monde mais qui l’aurait hissé au rang de la personnalité. Or, la personnalité est antithétique de la condition.

 

Mais rassurons-nous, dans ce mauvais roman, la condition en appelle à une autre nécessité qui lui permet de se dépasser. Cette nécessité est celle de  la conscience qui permettra à l’homme de la condition de sortir de ce monde obscur, difficile et dans lequel il ne peut éprouver qu’ennui, fatigue et lassitude et quand bien même le sentiment de ce qui ainsi se consume lui procure un succédané de consistance. La conscience va lui donner la force de se libérer de ses chaines, de « s’indigner », selon le mot de Stéphane Hessel, de se révolter et de faire grandir le moi qu’il habite et qu’il doit porter au quotidien. Il y va de sa dignité et de l’opinion qu’il pourra avoir –soit qu’il la ressente soit qu’il la pense et la formule- de lui-même. C’est à ce moment là qu’il pourra conquérir ou reconquérir sa responsabilité, l’habiter pleinement  et commencer à se trouver lui-même. Nous pourrions ainsi écrire une suite au roman de Kafka dont nous parlions il y a quelques instants car le tribunal de condition devra se soumettre à celui de la conscience.

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9 août 2014 6 09 /08 /août /2014 15:46

Chers amis,

Vous êtes nombreux à lire ce blog et je vous en remercie. Je salue nos amis-lecteurs d'Algérie et de Scandinavie. L'actualité s'incrit aujourd'hui dans l'horreur et si nous sommes consternés et révoltés, je pense que l'action politique au quotidien est aussi une action d'éducation -cela pourra sembler très platonicien- qui peut sembler restreinte en sa portée mais qui sème des graines solides qui produiront d'autres graines toutes aussi robustes. Ce qui me permet de l'affirmer, ce sont des courriers d'étudiants que j'ai reçus ces derniers temps et qui me montrent à quel point l'enseignement de philosophie met en oeuvre une veille qui n'a de cesse de rappeler l'humanité qui nous habite.

Les vacances sont pour moi très studieuses puisque je prépare une nouvelle édition de la plupart de mes cours dont mon cours de philosophie morale qui pourra être dispensé en ligne dès le mois d'octobre (s'inscrire auprès du secrétariat de la faculté de théologie où je dispense mes enseignements de philosophie). Dans ce cours, j'ai voulu me pencher sur la vie d'un philosophe dont on parle trop peu mais dont l'oeuvre a été puissante. J'ignorais jusqu'à présent que ce philosophe qui a marqué mes années d'études avait lui aussi, comme Emmanuel Lévinas ou Paul Ricoeur, été victime de la déportation. C'est pourquoi j'ai à coeur de vous présenter une petite biographie que j'ai tirée à la fois du matériau proposé par Gilbert Kircher, grand specialiste d'Eric Weil dont il a été l'élève et l'ami, ainsi que des matériaux rassemblés ici et là dans les encyclopédies. Ce travail préalable ouvrira sur une étude visant à comprendre en quoi cette longue captivité a pu guider la pensée du philosophe comme elle a guidé celle de Lévinas ou de Ricoeur.

 

Eric Weil est un philosophe juif d’origine allemande mais naturalisé français. Il est contemporain de Heidegger et de Levinas. Né le 8 juin 1904 à Parchim, où il fait sa scolarité. Il perdra son père le 6 mai 1922. Il rencontre alors des conditions matérielles très difficiles mais poursuivra néanmoins des études de médecine jusqu’en 1924 tout en étant inscrit à un cours d’Ernst Cassirer. Il s’inscrit ensuite à la faculté de philosophie de Hambourg, puis à celle de Berlin à partir du 7 mai 1924 puis il reviendra à Hambourg en 1925, continuant de suivre les enseignements de Cassirer. En 1928, il présente sa thèse de doctorat sur L’enseignement de Pietro Pomponazzi sur l’homme et le monde, avec mention très honorable. Elle sera publiée en 1932 alors qu’il a obtenu dès juin 1928, une bourse d’étude pour son doctorat. Fin 1930, Eric Weil devient le secrétaire personnel de max Dessoir jusqu’en 1933. Il est chargé de la rédaction de la revue Zeitschrift für Ästhetik und allgemeine Kunstwissenschaft. Mais ayant lu Mein Kampf, il est résolu à quitter l’Allemagne en cas de victoire d’Hitler et postule pour un poste d’université à Porto Rico. L’ambasse de Washington reçoit alors une notification de refus de la part du Auswärtiges Amt, datée du 21 avril 1933. La même année, Eric Weil se voit proposer, en même temps que Fritz Lang, une place au ministère de la culture et de la propagande de Goebbels. Ils prendront tous deux le train pour la France. Eric Weil vivra à Paris et s’y mariera avec Catherine Mendelsohn, la petite fille du compositeur interdit par le IIIème Reich, en octobre 1934. Eric et Catherine seront naturalisés français le 11 février 1938.

Eric Weil travaillait beaucoup sur la renaissance et l’astrologie, aussi surprenant cela peut-il paraître aujourd’hui que nous connaissons Eric Weil pour ses écrits sur la société contemporaine, la philosophie morale et la philosophie politique. Il est l’auteur d’un important manuscrit sur Ficin et Plotin qui ne sera édité qu’en 2007 grâce à Alain Deligne.

De 1934 à 1938, il collabora à la revue que dirige Alexandre Koyré, Recherches Philosophiques et participe aux Séminaires de l’Ecole pratique des hautes Etudes que dirige Koyré et que dirigera Alexandre Kojève sur La phénoménologie de l’esprit, de 1934 à 1939. Des noms connus aujourd’hui fréquentent ces séminaires : Lacan, Hyppolite, Wahl, Queneau ou encore Bataille.

Le 3 avril 1938, il soutient un mémoire à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes sur La critique de l’astrologie chez Pic de la Mirandole. C’est le 1er Août 1939 que commence la rédaction de sa thèse, la fabuleuse Logique de la Philosophie. Mais les événements historiques s’invitent au programme et Eric Weil est incorporé sous le pseudonyme d’Henri Dubois, mais arrêté le 17 juin 1940, dans l’Eure d’où il sera conduit au Stalag XIB de Fallingbostel, près de Hanovre et du camp de Bergen Belsen, là où se trouve précisément un autre philosophe parisien d’origine lituanienne, Emmanuel Levinas. Cependant, on n’a pas de trace de leurs échanges. Il est désigné comme interprète et devient selon L. Sichirollo, l’un des organisateurs de la résistance des prisonniers de guerre, du rapport entre les groupes nationaux et l’un des rédacteurs du journal clandestin. Henri Dubois est aussi nommé pianiste dans l’orchestre du camp selon une lettre qu’envoie H. Moyesset à Anne Dubois, c’est-à-dire la soeur de Catherine Weil-Mendelsohn. Catherine sera elle-même internée au camp de Gurs dans les Pyrénées Atlantiques, pendant quelque temps. Elle trouvera refuge ainsi que sa sœur dans le Lot, à Le Pigeonnier-Laval. Anne assure un travail de secrétariat et de liaison au service du commandement des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) à Monpazier. Il ne faudra pas longtemps pour que la mère d’Eric Weil, Ida Weil soit déportée à Theresienstadt avec sa fille Ruth Cohn et d’autres membres de leur famille. Tous disparaîtront en déportation. Notons que c’est aussi dans ce camp de Theresienstadt que va périr la première épouse de Viktor Frankl où il a lui-même séjourné avant d’être envoyé comme Ida Weil à Auschwitz où elle sera déclarée morte par convention le 15 mai 1945. Ruth, sa fille, sera déportée de Theresienstadt vers Kowel, en Pologne (Ukraine actuelle), où elle dû mourir lors du massacre des ghettos au mois d’Août. Le camp de Fallingbostel sera libéré par les Anglais le 16 avril 1945. Eric Weil sera démobilisé à Paris le 16 mai 1945 après que le commandement militaire français a conclu qu’Eric Weil et Henri Dubois ne faisaient qu’une seule et même personne.

En dépit de l’horreur vécue, Eric Weil continue ses recherches en philosophie et elles lui fournissent sans aucun la force de continuer. C’est en 1946 que parait l’article d’Eric Weil sur « L’anthropologie d’Aristote ». C’est alors qu’il retourne à l’Ecole pratique des hautes Etudes et y soutient sa thèse, la logique de la philosophie qui est une fascinante logique systématique de la subjectivité dont nous reparlerons. Il publiera aussiHegel et l'État (1950), Philosophie politique (1956), Philosophie morale (1961), Problèmes kantiens (1963), de très nombreux articles, recensions et communications, dont une partie a été réunie dans Essais et conférences (1970 et 1971). Il fut professeur de philosophie à l'université de Lille de 1956 à 1968 puis il enseigna à Nice de 1968 à 1974. Après la guerre, il avait retrouvé en Allemagne de fidèles amis et il fut promu docteur honoris causa de l'université de Münster en 1969, mais ne souhaita pas retourner en Allemagne après ce qu’il y avait vécu. Il est décédé le 1er février 1977.

 

C'est Eric Weil qui dit, dans la Logique de la philosophie que la philosophie commence par la peur...à méditer.

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24 avril 2014 4 24 /04 /avril /2014 09:32
015Le weekend dernier se sont tenues à Buchenwald, les cérémonies du 69ème anniversaire de la libération d’un camp de concentration qui avait été conçu et construit dès 1937 sur les hauteurs de l’Ettersberg. On remarque très vite que le camp est exposé aux intempéries et en particulier au vent du Nord qui vient frapper les personnes d’un froid vif et singulier. C’est comme si le portail d’entrée du camp était aussi la porte d’entrée sur la froideur de la mort. Ce portail porte une inscription : « Jedem das Seine » : à chacun son dû.

Dans la partie sud du camp, là où le vent se calme, là où réside la forêt, on trouve  les fondations de ce qui était les habitations SS. Des hommes, des femmes, des enfants vivaient à proximité du plus grand désastre que l’humanité ait connu, dans la plus grande indifférence.

Dès leur libération du camp, les prisonniers ont prêté serment pour perpétuer un travail veillant à faire connaître ce dont ils avaient été les victimes et en espérant mettre en garde les consciences pour que jamais ne faille le sentiment d’humanité. C’est cette conscience profonde qu’ils veillent année après année à éclairer de leur histoire pour éviter que le pire ne recommence.

 

Rentrer chez soi après un tel traitement ne fut en aucun cas facile. On se représente aisément, le degré d’humiliation dans lequel chaque prisonnier fut plongé au point de perdre connaissance de son identité. C’était en tout cas l’objectif de l’idéologie qui rappelait par tous moyens possibles et inimaginable à ces pauvres hommes qu’ils n’étaient rien, des « stück », du matériau d’usinage, tout au plus, dont la durée de vie avait été soigneusement calculée. Il était connu, comme le rappelle Pierre Durand sur une video disponible sur le web que l’on rentrait par le portail du camp et que l’on en ressortait par la cheminée. Alors, retrouver la chaleur d’un foyer après un si grand traumatisme n’a rien d’évident. Pouvoir de nouveau éprouver cette douce chaleur du foyer n’est pas nécessairement possible. Retrouver le bonheur après une si tragique trajectoire peut paraître absolument illusoire. N’être personne si longtemps et redevenir quelqu’un tout à coup relève du choc, d’un choc qu’il faut dépasser. Mais chacun a porté sa dignité aussi haut qu’il le pouvait en faisant face à ce retour traumatique et traumatisant. On parle aussi, de grandes histoires d’amour. Et pourtant, après la dureté d’un traitement SS, on imagine à quel point la tendresse d’une personne peut sembler étrange, voire étrangère au monde que l’on s’est constitué. Et s’il fut question de survie dans le camp, c’est encore de survie dont il faut parler de retour au pays.

 

032Depuis les années 50, les anciens prisonniers de Buchenwald se sont constitués en « amicale » de manière à rester actifs dans leur démarche et chaque année, ces anciens prisonniers se retrouvent à Weimar et Buchenwald afin de commémorer leur libération, afin de rendre hommage à ceux qui ont perdu la vie dans des conditions innommables, afin de redire leur détermination à lutter pour la vie, ce que Floréal Barrier rappelait dans une rencontre organisée à Lille le 26 septembre 2011 à l’occasion du festival de philosophie "citephilo". Je recevais Agnès Triebel, vice-présidente de l'association française Buchenwald-Dora et Kommandos pour sa très belle traduction de l'ouvrage autobiographique de Thomas Geve, Survivant d'Auschwitzj'ai eu 13 ans en camp de concentration, Paris, Gawsewitch,  2011. 041Elle était venue accompagnée de Floréal qui put éclairer ses propos et ce d'autant que Thomas Geve fut aussi déporté à Buchenwald, camp qu'il dessina sous tous ses aspects et dont les dessins sont accessibles à partir d'une exposition prêtée par l'association BDK. La salle était comble, des professeurs, des chercheurs, mais aussi des personnes qui voulaient écouter : des adolescents, les scouts de France, la population lilloise. Tout le monde écoutait attentivement Floréal parler de sa "lutte pour la" vie et pourtant : Floréal tout en ayant été nommé « Lagerschutz », et alors que son travail était de veiller au bon ordre du camp, faisait de la résistance dans le camp de manière à donner à ses camarades quelque morceau de nourriture qu’il pouvait voler aux cuisines des SS. A l’époque où il fut arrêté, ainsi qu’il l’indique dans le discours qu’il fait ce 13 avril 2014, Floréal avait 18 ans et il était typographe, métier qui a aujourd’hui disparu. Mais il était aussi communiste et résistant, raison pour laquelle il fut arrêté et déporté.

 

Bertrand Herz, aujourd’hui président du comité international de Buchenwad-Dora et Kommandos, avait lui 14 ans quand il fut arrêté. On trouvera dans le lien ci-dessous, l'intégralité des discours prononcés lors de ces cérémonies (si vous ne parvenez pas à lire la vidéo, vous pouvez installer googlechrome comme navigateur de votre ordinateur). 

   

https://drive.google.com/file/d/0B0B7l_tpoqJxSGpnaUF2LWNUR3c/edit?usp=sharing 

 

Il y a un peu plus d’un mois, soit une vingtaine de jours avant les commémorations, j’ai reçu un mail d’un ami ancien déporté de nationalité canadienne, âgé de 91 ans et qui s’engagea alors qu’il avait vingt ans dans la Canadian Air Force pour venir aider la France. Cette histoire me parut à la fois curieuse et familière car elle me rappela le cas d’un poète sur lequel j’ai beaucoup travaillé et qui se nommait e. e. cummings, poète qui, lors de la première guerre mondiale s’était engagé auprès de l’armée française pour aider et qui, soupçonné d’espionnage par un préfet qui s’avéra ensuite très peu recommandable, fut enfermé dans ce qui se nommait alors, pendant la première guerre mondiale, le camp de concentration de Compiègne. Rien à voir avec les camps de Buchenwald ou Auschwitz mais tout de même, les conditions de survie étaient horribles comme le raconte cummings dans son roman autobiographique intitulé The enormous room. A travers Ed Carter Edwards, c’est un peu cummings que je retrouvais. Un jeune homme plein de courage, patriote et dévoué.

 

Prise de vue devant la plaque commémorative des aviateursDans son mail, Ed me disait tout simplement qu’il viendrait certainement à Buchenwald et me demandait de façon très laconique : « will you be there ? ». J’entendais en le lisant, sa petite voix aigue mais je percevais aussi un appel qui se justifie par le fait que ce n’est pas dans la solitude que l’on peut retourner sur les lieux d’une telle souffrance. Comment dire « non » ? Comment refuser d’accompagner notre ami, d’être là tout simplement ? C’est impossible et je pris spontanément la décision de me rendre aux cérémonies.

 

Comme chaque année, ces cérémonies sont organisées par les autorités allemandes. Beaucoup de personnes travaillent aux mémoriaux et, dans les universités sur la thématique de l’idéologie nazie ou sur la réception de cette période de l’histoire par la population contemporaine. On est également tout à fait ému de voir venir, année après année, les jeunes des écoles, portant avec émotion, les drapeaux des nationalités qui furent présentes dans le camp ainsi que le montre cette photo.Lycéens allemands tenant les drapeaux des prisonniers En aucun cas, on ne peut dire que les allemands veulent oublier leur passé. Ils ont effectué un immense travail pour faire connaître les génocides qui ont eu lieu chez eux et pour protéger la jeunesse de la barbarie dont elle pourrait se rendre responsable si une éducation n’était dispensée pour la contrer. J’avais été émue, lors d’un pèlerinage à Mauthausen, d’apprendre que les jeunes élèves d’une école nettoyaient les mémoriaux année après année. Il faut donc prendre garde de ne pas confondre allemand et nazi ! Il faut aussi savoir que les premiers prisonniers à Buchenwald étaient allemands et que la population de Trèves vota massivement contre Hitler en 1933.

 

Plaque commémorative vue de prèsRevenons à ces cérémonies. Ed était venu avec d’autres anciens pilotes canadiens et américains et cet anniversaire était d’autant plus significatif qu’une plaque commémorative devait être érigée au bloc 41 en hommage à tous ces aviateurs dont Ed me raconta l’histoire.

 

Comme eux, il venait d’arriver à Frankfort, en avion, souffrait du décalage horaire, était strictement à l’heure pour tous les rendez-vous et arborait fièrement ses médailles sur son beau costume militaire. J’ai pu diner avec lui le samedi 12 au soir et nous avons beaucoup parlé. Comme Pierre Durand le fait dans la vidéo en ligne, Ed me parla des chiens, de ses peurs qui sont restées et devenues indélébiles. Ed s'inclinantLors des déambulations dans le camp, Dominique Durand, Président de l'association BDK, fils de Pierre Durand, me montra le chenil, un chenil qui abritait des dogues entraînés pour tuer. Il « accueillait » les prisonniers lors de leur descente des trains en les mordant et les « accompagnant » dans leur course forcée vers camp. Ed me parla aussi –et ce fut la première fois que je l’entendais parler de la sorte- de son sauvetage par un SS nazi. J’en fus surprise d’autant que j’organisais il y a trois ans un colloque sur le pardon pour lequel j’avais préparé un questionnaire qui fut adressé à un grand nombre de déportés. Ed y avait répondu et je me demande si le thème n’est pas devenu pendant ces années, une forme de suggestion. En effet, ainsi que l’on peut l’écouter dans le lien relatif aux discours, il raconte l’histoire de ces pilotes, de ces « airmen » qui furent assignés à Buchenwald puis transportés longtemps après, dans un stalag où le traitement était moins dur, et ce, suite au cri que l’un d’eux poussa devant un officer SS en visite. Dans son discours, et lors de la commémoration sur la plaque du bloc 41, Ed remercia cet officier SS. Et je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’impact de cette forme de pardon ou cette forme de reconnaissance sur le public allemand présent en cet endroit, ce jour. Le lendemain des cérémonies, des articles fleurissaient les journaux locaux.

 

A. SKMBT C36014041615160 

Ne sous-estimons donc pas le travail effectué en Allemagne pour lutter contre la barbarie et ne sous-estimons pas l’impact de ce passé sur la population contemporaine. En effet, on parle aujourd’hui de ce que l’on nomme « la génération perdue ». Il s’agit des troisièmes et quatrièmes générations qui se sentent mal à l’aise et coupable vis-à-vis de cette période de l’histoire de leur pays. Ainsi que l’expliquait Bertrand Herz dans un article qu’il écrivit pour le blog du Struthof, cet immense travail de mémoire effectué par la population allemande contemporaine a été la garantie de la réconciliation.

 

013C’est à 14 ans que Bertrand est arrivé dans le petit camp de Buchenwald, avec son père. Puis ils furent dirigés vers le kommando extérieur de Niederorschel où son père mourut d’épuisement le 27 janvier 1945. Sa mère était morte le 29 décembre 1944 au Revier de Ravensbrück. Sa sœur survécu et fut délivrée par la Croix-Rouge suédoise en avril 1945. Quand Bertrand sortit, il était donc…orphelin et c’est ce poids qu’il portait encore et toujours avec lui lorsqu’accompagné d’Elie Wiesel, d’Angela Merkel et de Barack Obama, le 5 juin 2009. Ils s’inclinèrent devant une plaque commémorative qui est maintenue tout au long de l’année à la température du corps humain. C'est aussi ce poids qu'il portait quand il fut nommé citoyen d'honneur de la ville de Weimar le 13 avril 2010. Comme on le comprendra l'honneur donné solenellement aux victimes vient ici consolider le travail de réconciliation interétatique. (ci-contre Bertrand Herz tout juste nommé citoyen d'honneur de la ville de Weimar. 

 

Floréal, Bertrand, Ed…et beaucoup d’autres anciens déportés étaient de nouveau présents pour les cérémonies et pour rendre hommage tout en scellant le travail de mémoire accompli à celui accompli par les nouvelles générations. Par le respect qu’elles suscitent, ces cérémonies requièrent un positionnement qui génère à lui seul la garantie de l’humanité et c’est pourquoi année après année, il faut accomplir ce geste, se replacer de nouveau dans cette déférence pour en prendre la mesure et afin qu’autour de nous ce soit aussi la déférence vis-à-vis de l’humain qui soit en chaque geste célébrée.

 

Cathy Leblanc.

 

 

 

 

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 13:25

Extrait de la conférence donnée ce mardin 11 mars au Centre Culturel Vauban de Lille à 18.00

 

 

On ne peut comprendre l’œuvre de Paul Ricoeur sans replacer son existence dans un contexte historique très lourd de sens. « Lourd de sens » : que cela signifie-t-il ? Il est des événements historiques qui déterminent la pensée, l’orientation de la pensée et les questions que l’on se pose. Ce fut le cas indéniablement pour Paul Ricoeur. Il voit le jour à la veille de la première mondiale, cela signifie que ses premières années d’enfance se passent dans un contexte difficile où la nourriture manque, où les hommes sont à la guerre, où les femmes remplacent leur mari dans les usines et conquièrent aussi par là leur place.

La mère de Paul Ricoeur meurt peu après sa naissance. Son père, qui était professeur d’anglais, langue avec laquelle Ricoeur deviendra familier, tombe au front lors de la bataille de la Marne en 1915, ce que l’on ne sait pas de suite. Le père est absent. On n’a aucune nouvelle. On apprend seulement en 1918 qu’il a été tué lors des combats en 1915. Cette enfance se situe donc déjà et d’emblée dans le contexte de la cruauté et de l’injustice poussant une intelligence supérieure à se poser des questions communes qui deviendront des questions métaphysiques consécutives au délicat travail de deuil, travail, qui, s’il semble aller de soi, dans la vie de tous les jours, dans une vie commune qui n’est pas entourée et absorbée par des événements tragiques, s’effectue comme naturellement. La perte d’un être cher, l’absence d’un être proche créent irrémédiablement un espace dont il peut devenir difficile voire parfois impossible de s’affranchir. Commence alors un travail de déviation du sens, absorbé lui aussi par la béance de l’absence et de l’injustice.

Et quelle injustice ! Paul Ricoeur n’a pas seulement été orphelin dès son plus jeune âge, il perd sa sœur, Alice en 1935 alors qu’elle succombe à la tuberculose que l’on ne sait pas encore soigner avec des vaccins. Cela sera pourtant le cas dans la région de Lille où l’institut Pasteur procède à des vaccinations systématiques de la population. En témoigne Lucien Schillio, ancien déporté-enfant, qui eu l’immense chance de recevoir le vaccin avant d’être déporté à Dachau. La question de l’injustice sera prépondérante. Si les hommes naissent égaux en droit, leur détermination biologique, les événements historiques et sociaux, ne leur accordent pas l’égalité.

C’est l’Etat français qui prend en charge l’éducation du jeune Paul Ricoeur, devenu « pupille de la nation ». Cette éducation, il la reçoit au Lycée de garçon de Rennes, où il découvre le dessin, la lecture mais aussi plus tard les auteurs grecs. Le jeune Paul Ricoeur développe très jeune une curiosité intellectuelle qui le tiendra en haleine jusqu’à l’âge fatidique de 92 ans et cette curiosité est naturellement mue par des questions philosophiques. Il passe sa licence de philosophie à Rennes puis préparera à Paris, à la Sorbonne, son agrégation de philosophie en fréquentant le séminaire de Gabriel Marcel, pour la philosophie antique, et auquel il rendait visite tous les vendredis. Il sera reçu deuxième à l’agrégation en 1935.

La culture protestante de Ricoeur le conduit à consacrer son mémoire de maîtrise à La Méthode réflexive appliquée au problème de Dieu chez Lachelier et Lagneau en 1932. Paul Ricoeur développe aussi un intérêt pour Marx dont il lit l’œuvre intégrale et l’on sait à quel point cette œuvre s’inspire de Platon et d’un modèle de cité idéale dont le régime était déjà nomme « communisme ». Je vous renvoie à la lecture du livre VIII de la République de Platon où l’on assiste à une vive critique de la démocratie et à l’éloge d’un régime directement inspiré des sectes pythagoriciennes où la notion d’appartenance devait complètement disparaître. On lit souvent Platon comme s’il était l’auteur de sa propre pensée en en négligeant les sources. Or le pythagorisme en constitue un pilier essentiel. Nous verrons aussi toute l’influence de la pensée antique sur l’œuvre de Ricoeur et en particulier sur cette notion-clé de déplacement proposée par la métaphore. Ce qui semble ici ne représenter qu’une figure de style témoigne au sens strict du terme d’une époque à laquelle le sens devient littéral, comme cela est le cas dans tous les totalitarismes. La lettre n’est plus le signe de quelque chose, elle renvoie à son pied, à sa radicale structuration.

Voilà donc pour l’orientation de Paul Ricoeur, pour le contexte dans lequel il voit le jour et dans lequel il évolue. Jamais, on ne se débarrasse des primes questions de l’enfance surtout quand cette enfance est marquée par l’impossibilité du deuil comme cela fut le cas pour le père de Paul Ricoeur, tombé au front, et dont la mort n’est connue qu’en 1915. 

La difficulté de ce contexte aurait suffit à tout un travail de réattribution du sens. Mais il faudra que Paul Ricoeur soit lui-même aussi victime des déplacements, des rafles, des déportations, comme le fut à la même époque Lévinas, dont nous parlions l’année dernière à la même époque : Lévinas fut lui envoyé dans un stalag à Fellingbostel. On dit dans les rangs de la déportation que le stalag est moins pire que le camp de concentration. On dit que les camps de travaux sont moins pires que les camps de concentration. La gradation dans l’échelle de la souffrance subie accentue encore ce qu’il y a de plus ignoble dans le traitement de l’humain. Ceci dit, on constate que la manière dont les prisonniers ont vécu dans les camps, conduit à un comportement différent chez les uns et les autres. On voit ainsi une nette différence entre le traumatisme et l’univers sémantique des déportés de Buchenwald et le traumatisme et univers sémantique des déportés de Mauthausen où le cynisme théâtralisé conduit à une amertume sans borne et sans contrôle possible.

Ricoeur est donc mobilisé en 1939 par l’armée française comme les hommes de son âge, mais il sera fait prisonnier en 1940 dans la vallée de la Marne où son père est tombé et il est envoyé dans un camp de Poméranie , l’Oflag IID à Gross Born où les conditions de vie ressemblaient néanmoins à celles des autres  camps. On trouve dans la revue Temporalités, une Revue de sciences sociales et humaines, 3ème numéro de 2005, le témoignage et article de William Grossin :

 

« Nous logions dans des baraques en bois divisées en deux locaux sans communication commune, chacun abritant une quarantaine de captifs. Nous vivions dans l’espoir d’une libération rapide, liée à la victoire de l’Allemagne. Elle tardait cependant. Nous n’avions aucune information sur les opérations qui se déroulaient en Grèce et en Afrique. Il s’avéra que nous allions passer l’hiver dans les baraques, couchés dans des châlits à trois étages et chauffés par un poêle à bois. Peut-être eûmes-nous une dotation de charbon. La victoire des nazis s’avérant désormais moins rapide que le laissait augurer la conquête de la Pologne et la campagne de France, certains officiers envisagèrent des évasions. Ils creusèrent des tunnels. Le premier consacra le succès de quatre de nos camarades. Une autre évasion eut lieu alors que nous étions autorisés à une corvée de bois. Primordiale pour cuire des légumes. Elle connut également le succès. Le capitaine Bilotte, qui devin général, gagna Londres. Nous n’en sûmes rien. Un autre tunnel fut creusé en vue d’une évasion massive, mais les Allemands en furent prévenus. Ils dressèrent une souricière et tuèrent le premier fugitif qui passa le corps par le trou. Cet événement-là décida, me semble-t-il, de notre changement de camp. Un beau jour mais quand ? Les Allemands nous transférèrent par chemin de fer dans les bâtiments d’une caserne allemande sise près de la ville d’Arnswalde.

Cette évacuation qui eu lieu fin 1941 ou courant 1942 constitue pour nous un repère d’une grande importance car bon nombre de souvenirs se classent selon son avant et son après. Par exemple, la conférence que nous fit Paul Ricoeur –captif parmi nous- sur Platon eu lieu à Gross Born, incontestablement. »

Il est curieux d’essayer de comprendre ce qui se passe dans le psychisme des personnes en grande souffrance, en maltraitance, et les idées qui se construisent à ce moment échappent parfois à toute logique ou toute attente. Par exemple, on pourrait s’attendre à ce que des prisonniers de camps de concentration exècrent la langue allemande et pourtant, ce n’est souvent pas le cas. Dans une grande étude que j’avais réalisée pour essayer de comprendre ce qu’il en est de la notion de « pardon » pour les déportés, j’avais reçu de multiples témoignages et certains déportés ont précisé qu’ils tenaient à ce que leurs enfants apprennent l’allemand, que cela entrait dans des conditions de maintien de la paix vis-à-vis de la patrie ennemie. En aucun cas, non plus l’allemand n’a constitué pour Paul Ricoeur, une représentation de la langue de l’ennemi et ce d’autant que beaucoup d’allemands étaient eux aussi internés dans les camps, notamment, celui de Buchenwald.

Comme pour Lévinas, je pense que ces années de détentions furent décisives pour l’orientation de la pensée de Ricoeur. Et le voisinage de la mort, la faim, la nécessité de survivre et de se dépasser, le travail sur le sens et l’interprétation constituent le terreau de sa pensée, de même qu’ils constituèrent le terreau de la pensée de Lévinas. Dans un autre registre, on pourra lire avec un très grand intérêt l’autobiographie de Nelson Mandela qui, du fond de sa détresse, atteint jusqu’à la parole poétique. Nous sommes devant des figures du dépassement qui ont encore beaucoup de secrets à nous livrer.

C’est dans ses conditions que Ricoeur traduit l’œuvre de Husserl intitulée Idées directrices pour une phénoménologie pure, datant de 1913.  En 1947, il fait paraître son premier livre, rédigé avec M. Dufrenne, Karl Jaspes et la philosophie de l’existence, préfacé par Jaspers et il est nommé professeur à Strasbourg où il enseigne la philosophie. Il prépare sa thèse de doctorat, commencée en captivité et dont le titre n’est autre que Philosophie de la volonté. L’inspiration est claire. Il est nommé à la Sorbonne et publie le second tome de sa Philosophie de la volonté avant de travailler sur l’œuvre de Freud, suite à quoi il fait paraître son ouvrage intitulé De l’interprétation.

Il importe de voir ici, le savant tissage qui s’effectue entre la vie et l’œuvre du philosophe. On dit souvent, à tort, que la vie et l’œuvre constituent deux aspects à distinguer et qui ne doivent pas se compléter. Mais dans le cas de Ricoeur, c’est vrai aussi pour Lévinas et encore pour e.e. cummings, lors de la première guerre mondiale et dont le temps de captivité motivera une écriture de la libération symbolisé par la distorsion grammaticale, il est évident que la vie vient susciter l’œuvre ou la guider. Si Ricoeur s’intéresse à Freud, s’il traduit Jaspers, cela n’est pas indépendant des conditions historiques qui ont suscité son questionnement et ce n’est pas un hasard si l’herméneutique, c’est-à-dire la science de l’interprétation devient la clé de voute de sa pensée.

 C’est dans cette perspective que je vois apparaît l’intérêt de Paul Ricoeur pour les figures de style qui engagent au déplacement de sens. La littéralité est le fait des bourreaux. Là où un esprit vengeur de notre société se dit vulgairement, « je vais le tuer celui-là », un esprit baignant une idéologie totalitaire meurtrière prend cet énoncé au pied de la lettre. On passe alors d’une façon de parler à une façon d’être. La survie elle-même est le fait d’un dépassement qui est aussi déplacement et j’aimerais ici citer des propos de Viktor Frankl, un psychiatre juif-autrichien déporté dans le camp de concentration de Theresienstadt et dont il a été question dans le colloque international interdisciplinaire à propos de « la fraternité à l’épreuve de la déportation » : « Même si on le brutalise physiquement et moralement, l´homme peut préserver une partie de sa liberté spirituelle et de son indépendance d´esprit. » (V. E. Frankl)

Très tôt le travail de Ricoeur concernera l’interprétation, c’est-à-dire l’herméneutique qui est précisément la science de la compréhension.

 

Cathy Leblanc

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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 13:51

Mercredi 12 mars 2014

de 17.30 à 19.30

Université Catholique de Lille, Faculté de théologie, Salle 256

 

Conférence du Prof. Pol Vandevelde

 

« L’être, la compréhension et l’événement : Heidegger et le romantisme allemand »

 

Pol Vandevelde est Professeur à l’Université de Marquette à Milwaukee, aux Etats-Unis où il enseigne la philosophie française et allemande en s’étant spécialisé en philosophie française et allemande contemporaines. Il travaille tout particulièrement sur les théories de l’interprétation, la théorie de la signification. Son champ d’exploration comporte aussi la littérature. Il a écrit, traduit ou édité quatorze livres, publié plus de cinquante articles ou chapitres de livre.

Sa bibliographie inclut : Etre et Discours La question du langage dans l'itinéraire de Heidegger (1927-1938) (Académie Royale de Belgique, 1994), The Task of the Interpreter: Text, Meaning, and Negotiation (University of Pittsburgh Press, 2005), et Heidegger and the Romantics: The Literary Invention of Meaning (Routledge, 2012) qui vient d’obtenir le prix du Cardinal Mercier.

Il traduit en ce moment, trois volumes d’essais rédigés par Gadamer.

Entrée gratuite

 

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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 18:35

La fraternité à l'épreuve de la déportation

 

 

13-14-15 mars 2014

 

  

Lieu : Université Catholique de Lille,  60 Bd Vauban

 

Renseignements & Inscriptions : 03 27 91 34 10 ou  cathy.leblanc2@wanadoo.fr

 

Chers amis,

J'ai le plaisir de vous contacter pour vous informer de la tenue d'un nouveau colloque sur la fraternité à l'épreuve de la déportation, à l'image de celui que j'avais organisé sur le pardon.

Nous souhaitons aujourd’hui nous interroger sur le sens qu’a pu revêtir la fraternité quand elle a permis aux déportés de se soutenir mutuellement au sein même des camps (cf. dessins de Boris Taslitzky), mais aussi de se comprendre mutuellement dans la nécessité que représentait la résistance dans les camps. En quoi a donc consisté cette fraternité ? De quoi est-elle faite ? Comment parler du lien qui unit les hommes quand ils doivent survivre ensemble ? Quelles sont les histoires qui ont ponctué ce vivre ensemble du camp ? La fraternité est-elle synonyme de solidarité ou de charité ? Est-elle synonyme d’amitié ? Voilà autant de questions qui seront approchées de façon interdisciplinaire. Je vous laisse découvrir le programme copié ci-dessous et vous inscrire si vous êtes intéressés. Je reste à votre disposition pour toute question.

Bien à vous, Cathy Leblanc.

Ps : le programme est susceptible de légères modifications.

 

 

Programme

  

1ère journée

« Les sens de la fraternité »

Jeudi 13 mars 2014

 

 

9.00 Accueil

 

9.15-9.45¨ Introduction par Cathy Leblanc, Université Catholique de Lille, "Qui est là pour moi ? Pour qui suis-je là ? Ou de la représentation du lien fraternel".

 

9.45 – 10.00 ¨ Discussion

 

10.00 – 10.30 ¨  Michèle Clavier (théologienne), UCLille, « Approche théologique de la fraternité ».

 

10.30-10.45 ¨  Discussion

 

Pause

 

11.00 – 11.40 ¨  Christophe Perrin (philosophe), FNRS, Université Catholique de Louvain-La-Neuve, « Avec ».

 

11.40-12.00 ¨ Discussion

 

Pause Déjeuner

 

14.00-14.40 ¨ Stanislas Deprez (philosophe), UCLille,

 « Suis-je le gardien de mon frère ? Ambivalence de la fraternité ».

 

  

14.40-15.00 ¨ Discussion

 

15.00-15.40 ¨ Bruno Mattei (philosophe), « Approche anthropologique et éthique de la fraternité ».

15.40 – 16.00 ¨ Discussion

 

Pause

 

16.20-17.00 ¨ Pol Vandevelde, Université de Marquette à Milwaukee (USA), « l’empathie comme condition de la fraternité ».

17.00-17.30 ¨ Discussions

 

 

 

2ème journée

« La fraternité dans l’impossible »

Vendredi 14 mars 2014

 

 

 

Approches traumatiques de la déportation

9.00 -10.15 ¨ A propos de l'approche psychiatrique et psychologique avec notamment, la participation de  Serge Raymond (psychologue), Fondation pour la Mémoire de la Déportation. « L’une parle quand l’autre se tait (La sororité à l’épreuve de la déportation) ».

 

10.15-10.30 ¨ Discussion 

Pause

  ! Nouveauté dans le programme :

10.45 – 11.15¨ Karl Thir, Université de Vienne, « De l'indifférence à la solidarité - réflexions et expériences de Viktor Frankl dans les camps de concentration».  (Même si on le brutalise physiquement et moralement, l'homme peut préserver une partie de sa liberté spirituelle. V. Frankl).

 

11.15 – 11.30¨ Discussion

 

11.30 – 12.10¨ Corinne Benestroff, Docteur en psycho-pathologie et en littérature, Université de Paris 8, « Partage des ténèbres. Fraternité, Résistance et résilience chez Jorge Semprun ».

12.10-12.25 ¨ Discussions

 

Pause Déjeuner

 

Fraternité et résistance 

14.30-15.00 ¨ Dominique Durand (sociologue), Président de l'Association des anciens déportés de Buchenwald-Dora et Kommandos, "De la fraternité à la solidarité : l'organisation d'une résistance à Buchenwald"

 

15.00-15.15 ¨ Discussion

 

15.15 – 15.45 ¨ Paul Roos, FMD, "En allant cher mon frère..." Témoignage pour aune autre forme de résistance : celle de l'attente fraternelle.

 

15.45-16.00 ¨ Discussion

 

Pause

 

16.15-17.00 ¨ Isabelle Lostanlen, Maître de conférence en littérature espagnole à l'Université de Lille 3, « Pierre Deffontaines : l’esprit des Equipes sociales au secours des réfugiés français en Espagne pendant la seconde guerre mondiale »

17.00-17.30 ¨ Discussion

 

  

3ème journée

 « Fraternité et histoire »

Samedi 15 mars 2014

 

9.00-09.30 ¨ Agnès Triebel, BDK, « A propos de la naissance de l'Europe dans les camps et de la fraternité contemporaine »

9.30-10.00 ¨ Jean-François Fayard, EHESS, « La fraternité : un vocable institutionnellement énigmatique ».

10.00 à 10.15¨Discussion

 

10.15 à 10.45¨Charles Coutel, IEFR, « La fraternité : de la compassion  à la sollicitude ».

10.45 à 11.00¨Discussion

 

Pause

 

11.10-11.40 ¨ Odile Louage, Présidente de l’AFMD-DT59, (historienne), « Un journal clandestin dans un camp de concentration ». (à propos de la loge Liberté Chérie).

11.40 à 12.10¨Discussion et clôture

 

 

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BULLETIN D’INSCRIPTION

A remettre à la faculté de théologie 

 

Nom :_______________________________________

 

Prénom :_____________________________________

 

Adresse :_____________________________________

 

_____________________________________________

 

_____________________________________________

 

Tél. fixe :________________ Tél.portable :___________

 

Email :________________________________________

 

Inscription au colloque : 45 € et gratuité pour étudiants

de moins de 25 ans     

 

Total : ______

 

Merci de libeller votre chèque à l’ordre de « L’Institut Catholique de Lille » et de l’envoyer ou déposer à :

Faculté de théologie, « Colloque sur la fraternité »,

60 Bd Vauban – CS40109 - 50016 Lille Cedex.

 

  

 

 

 

 

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11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 13:41
"DEPORTATIONS EN HERITAGE"
3ème journée d'études et de recherches
Le lundi 27 janvier 2014
Bâtiment B - Amphi 7
Entrée gratuite
Université Charles de Gaulle-Lille 3, 3 rue du Barreau, 59650 Villeneuve d'Ascq. Métro Pont-de-Bois (dir. 4 cantons).
PROGRAMME

 

LES PROCESSUS DE DESHUMANISATION

Du collectif à l’individuel

 

9h - Accueil

Matinée :

 

9.15 - Introduction et modération par Daniel Beaune, Professeur en psychopathologie aux Universités de Lille 3 et Paris 7.

 

9.30 - Mein Kampf et l’embrigadement des esprits, Valéry Coquant, Ecrivain et historien.

 

10.15 : La perversion nazie et la relation homme/animal, René-Lucien Seynave, Ancien président de l’Académie vétérinaire de France et Docteur en droit.

 

11.00 - Pause

 

11.15 - De la désubjectivisation, Cathy Leblanc, Maître de conférences en philosophie à l’Université catholique de Lille, Directrice du CRIBED (Centre de Recherche International sur la Barbarie et la Déshumanisation).

 

 

12.00 - Pause déjeuner

 

Après-midi

 

Modération : Rosa Caron, Maître de conférences (HDR) en psychopathologie aux Universités de Lille 3 et Paris 7

 

14.00 - La déshumanisation extrême : nazisme et conception bactériologique de l’ennemi, Johann Chapoutot, Maître de conférences (HDR), Université Pierre Mendès-France de Grenoble.

 

15.15- Pause

 

15.30 Le cri de l’art, Marie-France Reboul, Historienne, Membre de l’association Buchenwald-Dora et Kommandos.

 

16.15 – Propagande et techniques de conditionnement dans l’Allemane nazie : l’exemple du cinéma, [Actualités allemandes (24 avril 1939) et françaises (14 juillet 1939) ; Cinéma scolaire et de divertissement]. Etienne Dejonghe, MCF en histoire, Université de Lille 3 et Odile Louage, Historienne, Présidente AFMD-DT 59.

 

17.00 - Conclusion par Mme Marie José Chombart de Lauwe, Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Grand Croix de la Légion d’Honneur, Pédopsychiatre et Directrice de recherche honoraire au CNRS.

 

Comité scientifique

Daniel Beaune, Dominique Beaune, Rosa Caron, Valery Coquant, Danielle Delmaire, Cathy Leblanc, Odile Louage, Paul Roos.

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27 décembre 2013 5 27 /12 /décembre /2013 15:01

La conscience collective obéit à des représentations qui lui sont transmises de façon consciente ou inconsciente. Pourquoi tenons-nous tel ou tel critère comme digne de représenter la ligne à suivre, tel n’est pas toujours justifiable ou explicite. Pourquoi ressentons-nous que nous devons agir de telle ou de telle manière, c’est tout le problème de la liberté et de la détermination. Mais cela relève aussi de ce que je nommerai les « pédagogies indirectes ». Elles reposent sur des paroles que l’on intègre facilement sans réfléchir, sur des images qui véhiculent des messages invisibles ou visibles et qui nous plaisent bien sans que nous sachions véritablement pourquoi, sur des prises de position que nous aimons habiter.

Il est en tout cas manifeste que Stéphane Bern, dans l’émission qu’il proposait hier soir non pas sur l’Inde mais sur la féérie de la vie de la Princesse Gayatri Devi et du Maharadjah Sawai Man Singh II, n’avait nulle conscience des conditions de vie dans l’Inde des années 40 et des années qui suivirent. Qu’il redonne sa crédibilité à une femme qui a œuvré à la libération de la femme hindoue, une femme qu’il qualifie de « plus belle du monde » est une chose, mais qu’il en vienne à réduire Indira Gandhi à une simple rivale, une femme seulement « jalouse » d’une princesse qu’il glorifie pour avoir tué un tigre à l’âge de douze ans lors d’une partie de chasse, ou pour avoir su maintenir un train de vie royal son existence durant est une autre chose. En cause, l’emprisonnement subi pendant plus de 150 jours par la princesse et ordonné par la méchante Indira Gandhi qui cherchait à s’emparer du trésor des Maharadjah. Alors là, c’en est trop.

Stephane Bern, du haut de son sourire angélique aurait mieux fait de réfléchir à l’image qu’il donnait et transmettait d’une femme, la fille de Nehru, Indira Gandhi, qui a eu le courage de refuser le joug de l’impérialisme britannique et dont le premier défit fut de lutter contre la famine. On voit d'ailleurs à peine le Mathma Gandhi dans le film. Si les deux femmes, la princesse et Indira Ghandi deviennent des rivales politiques, on ne parle pas non plus des programmes et idéaux de chacune.

Il faudrait quand même se remémorer ces grandes famines qui ont accablé le peuple indien à un moment où Mère Teresa fonde sa propre congrégation en 1950 pour s’occuper de l’éducation des enfants des rues et ouvrir le mouroir de Klighat à Calcutta, et où Armatya Sen prend conscience qu’en dehors du milieu protégé dans lequel il a vécu, son père étant professeur d’université, des millions de personnes sont mortes de faim :

« L’un des deux événements les plus bouleversants de mon enfance est d’avoir vu la famine de 1943 au Bengale, famine au cours de laquelle, d’après les estimations actuelles, trois millions de personnes environ sont mortes. Ce fut une épreuve d’une férocité incroyable et qui survint avec une brusquerie qu’il ne m’était alors aucunement possible de comprendre. J’avais neuf ans à ce moment-là, et j’étais élève d’une école du Bengale rurale. Chez les gens que je connaissais à l’école et chez leurs familles, on ne voyait aucun signe de détresse, et en fait, comme je devais le découvrir plus de trente ans plus tard en étudiant cette famine, la majorité de la population du Bengale n’a connu que peu de privations durant tout le temps qu’a duré la famine. La famine se trouvait en effet limitée à certains groupes socioprofessionnels précis (comme c’est le cas de presque toutes les famines) tandis que, pour le reste de la population, les choses, en gros allaient bien.

Un matin, un homme très maigre est apparu dans l’enceinte de notre école ; il se comportait de manière anormale, ce qui – comme je devais l’apprendre plus tard – est un symptôme habituel d’une privation prolongée de nourriture. Il était venu d’un village éloigné pour chercher de quoi manger, et il errait dans l’espoir d’obtenir de l’aide. Dans les jours qui suivirent, des dizaines, puis des milliers, puis un défilé innombrable de gens traversèrent notre village – des être émaciés, aux joues creuses, aux yeux hagards, qui souvent portaient dans leurs bras des enfants n’ayant plus que la peau sur les os. Ils recherchaient la charité des familles plus riches et celle du gouvernement. »[1]

« Secret d’histoire » nous présente des lieux extraordinaires qui font rêver, des personnages illustres, certes, mais pourquoi s’investir à ce point dans le parti pris au détriment de l’information contextuelle mais aussi du sentiment d’engagement que doit susciter l’histoire dont c’est aussi la vocation ? C’est de cette manière que l’on modèle les consciences et que l'on risque d'oublier de s'indigner. C'est ici aussi que nous retrouvons l'un des deux mots d'ordre de Socrate : le premier était le célèbre gnôthi seauton, c'est-à-dire "Connais-toi toi-même", le second, qui fut oublié par l'histoire de la philosophie ainsi que le rappelle Michel Foucault dans son Herméneutique du Sujet, était epimeleia heautou, prends soin de toi, c'est-à-dire de la manière dont tu diriges tes pensées. Ce soin là diffère de la thérapie (therapeuein). Ce n'est pas un soin au sens de remède (pharmakos) : le remède s'inscrit dans la postériorité de la temporalité. Ce n'est pas non plus un soin au sens du "care". L'epimeleia heautou est ce par quoi il convient de s'orienter dans le monde : c'est un appel à la vigilance, à l'attention, et à la sagacité. Il nous semble que c'est cette sagacité qui risque d'être endormie par des présentations par trop partiales de l'histoire.

Cathy Leblanc

 


[1] Amartya Sen, L’économie est une science morale, Paris, Editions La Découverte, 2003, p.44-45.

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